« High Risk Activism » : essai sur le processus de radicalisation violente
(Deuxième partie)
Par Xavier Crettiez
Professeur de science politique à l’Université de Versailles Saint Quentin (UVSQ) – chercheur au CESDIP
Dans le précédent numéro de cette revue, nous avons évoqué les facteurs incitatifs de l’engagement, même si la pertinence de critères objectifs (genrés, éducationnels, économiques) pour penser les raisons de l’engagement radical ne convainc pas toujours l’observateur. On leur a associé les incitations prévisibles à l’engagement militant – incitations matérielles de gains escomptés ou symboliques de reconnaissance sociale possible - qui, dans une perspective rationnelle, constituent souvent des ressorts déterminant les investissements même les plus radicaux. Nous avons ensuite posé une réflexion sur les mécanismes cognitifs de la radicalisation qui font intervenir aussi bien les représentations idéologiques et culturelles du conflit, fruit de l’expérience vécue des acteurs, que la co-production d’une socialisation propre, primaire lorsque le milieu familial intervient, secondaire lorsque, plus tard, l’organisation modèle fortement les représentations des militants en son sein.
Nous souhaiterions maintenant compléter l’analyse en se centrant sur le processus de radicalisation faisant intervenir la structure d’opportunité au sein de laquelle l’action violente peut se déployer, la prise en compte de l’évolution biographique des acteurs qui dessine des carrières violentes plus ou moins affirmées et l’influence de la dynamique organisationnelle qui pèse sur la perception des individus combattants au sein de structures closes et alimente une montée en radicalité.
III – Les processus socio-politiques de la radicalisation
Aux facteurs incitatifs à l’engagement et aux mécanismes cognitifs qui façonnent la vision du monde du militant et peuvent le conduire à une forme de radicalisation, on ajoutera les processus socio-politiques qui accompagnent le militant, construisent sa trajectoire, révèlent sa carrière propre en orientant son itinéraire biographique. C’est dans ce processus évolutif que se joue à certaines étapes la tentation de la radicalisation, dépendante à la fois des opportunités d’action et d’expression, des expériences de la répression mais aussi des rencontres importantes qui forment et enseignent un savoir faire et un savoir être militant. Avec cette « professionnalisation militante » au sein d’une organisation que l’on pénètre progressivement, la perception de soi change et l’attachement au rôle se renforce, confirmant plus encore la posture radicale.
1 – Contexte politique et structures d’opportunité
L’engagement est ainsi fortement dépendant du contexte politique qui définit un certain niveau d’opportunités pour l’action violente. Plusieurs éléments se combinent pour former cette structure favorable d’opportunités. Mais la réflexion en termes de structures d’opportunités pour comprendre les moteurs de l’engagement armé pose problème. Sa trop grande généralisation (la structure formelle de l’État – pour parler comme Kriesi - est une variable peu définie) comme sa dimension parfois mécaniste et peu sensible aux effets d’interaction ont conduit à bien des critiques (Fillieule, 2005). On insistera sur deux points : non seulement elle n’est pas univoque, mettant en parallèle des situations où le niveau de répression important peut encourager l’action rebelle et d’autres où la contestation sera découragée (Fillieule et Bennani, 2003), mais surtout, elle postule de la part des acteurs violents un important potentiel de calcul rationnel fondé sur une très forte connaissance de leur environnement qui déterminerait leur capacité au passage à l’acte (Roux, 2005, p. 508). Ce point est particulièrement vrai lorsque, à l’image de Ted Gurr, on évoque l’influence d’une « international political opportunity structure » pour comprendre la vigueur de certains mouvements rebelles bénéficiant de la complaisance de pays influents ou pour le moins de leur désintérêt (Gurr, 2000, p. 80). A vouloir expliquer l’engagement interhamwe au Rwanda en 1994 par l’apathie des puissances occidentales face au génocide naissant, on éloigne par trop la focale d’analyse pour saisir les motifs individuels des massacreurs anonymes, dont on peut douter de leur connaissance et appréhension de leur environnement international. Il importe tout de même, à la condition de rester au niveau de l’influence individuelle, de prendre en compte plusieurs variables qui pèsent sur le choix personnel de l’engagement :
Le rapport pratique des organisations protestataires à l’État et à ses administrations peut freiner ou à l’inverse alimenter le désir d’engagement.
Ainsi en est-il au Pakistan du rapport singulier des mouvements anti-indiens aux services de renseignement du pays. Laurent Gayer montre bien au Khalistan le rôle central joué par l’ISI pakistanais qui va soutenir une partie de la guérilla sikh contre le pouvoir et la population civile indienne, accélérant la professionnalisation des mouvements de lutte armée et encourageant, financièrement ou par simple pression familiale, l’engagement des militants (Gayer, 2009). En montrant tout simplement « comment il faut faire », les services secrets pakistanais lèvent un des obstacles majeurs à l’engagement de nombreux jeunes sikhs remontés contre le pouvoir indien depuis l’opération « bluestar »[1], mais peu à même de prendre les armes faute de structures d’accueil et de savoir faire opérationnel (attestant par là même que la confrontation au choc moral que constitue bluestar pour certains jeunes sikhs ne suffit pas à l’engagement radical qui doit aussi s’apprendre). L’ISI développera également une politique d’entrainement et de formation à destination des militants peu expérimentés du Jammu and Kashmiri Liberation Front (JKLF) au Cachemire (Grare, 2008, p. 85). Si le soutien pratique des forces de sécurité est important, il peut aussi s’avérer crucial de la part des élites au pouvoir qui, si elles n’interviennent pas directement, facilitent par leur silence complice, le déroulement de l’action violente. La pérennité de la violence étarra au Pays Basque tient ainsi beaucoup à l’acceptation hypocrite de cette violence pendant toutes les années quatre-vingt par le parti dominant au pouvoir : le PNV. En condamnant mollement les violents mais en « comprenant leurs raisons », le PNV – soucieux de bénéficier du renfort des voix des radicaux aux assemblées provinciales - va naturaliser le conflit basque et fournir aux jeunes radicaux une « autorisation non dite » de passer à l’action (Crettiez, 2006, p. 322). Plus encore en Inde, les excès violents du BJP au Pendjab et au Bengale ne pourront qu’être encouragés par une justice indienne peu regardante et par un gouvernement central peu soucieux du sort de sa minorité musulmane (Jaffrelot, 1998 ; Wilkinson, 2000). L’apparition de contre-mouvements peut également fortement accentuer la tentation de l’activisme. L’explication que donne Mario Moretti, fondateur du mouvement révolutionnaire italien Brigate Rosse, de la radicalisation de la lutte armée à la fin des années soixante, met l’accent sur le choc que constituera l’attentat de la piazza Fontana sous l’impulsion de groupes d’extrême droite qui prétendent répondre à la « menace terroriste rouge » (Mario Moretti, Carla Mosca et Rossana Rossanda). La radicalisation repose ici beaucoup sur l’engrenage initié par une violence d’extrême droite en collusion avec certains services d’État qui offriront aux brigades rouges un « devoir » de riposte. Des entretiens menés avec des acteurs nationalistes corses ont également montré que la facilité de l’engagement dans la « lutte armée » était très dépendante du sentiment ancré de « ne pas risquer grand-chose »[2] et surtout de bénéficier de l’acceptation morale des élites locales, longtemps peu critiques vis-à-vis des « patriotes ». On notera que le changement de politique répressive de l’État français vis-à-vis des clandestins en Corse depuis une dizaine d’années et la délégitimation de la cause nationaliste dans l’île, désormais moins acceptée, ont considérablement affaibli le potentiel militant des organisations clandestines, établissant ainsi un lien direct entre la nature du risque, l’acceptation morale de la lutte, et, le degré de radicalisation militante[3].
Ce dernier point renvoie au rôle déterminant de la répression dans la construction d’une logique de l’engagement. La radicalisation des individus est souvent la résultante d’une rencontre soudaine avec la violence de l’État sous la forme d’une répression policière ou militaire jugée abusive ou à travers l’expérience de la prison et de ses excès. De nombreux analystes des situations insurrectionnelles en Algérie ou en Palestine ont mis l’accent sur les effets structurants d’une mentalité guerrière suite à l’expérience de l’emprisonnement et des mauvais traitements (Larzillière, 2003 ; Bucaille, 1996 ; Labat, 1995). Isabelle Sommier montre de façon convaincante dans le cas de la RAF en Allemagne que la répression d’État outrancière vis-à-vis du mouvement étudiant a non seulement jeté dans la clandestinité de nombreux jeunes allemands révoltés mais surtout confirmé aux yeux d’une partie de la jeunesse l’idée développée par Gudrun Ensslin, co-fondatrice de la RAF, que l’État ouest allemand demeurait un État nazi. Or « on ne peut pas discuter avec des gens qui ont fait Auschwitz » (Sommier, 2008, p. 61 et 1996)[4]. L’excès de répression et la prison jouent ainsi un triple rôle dans l’économie de l’engagement : elles fondent en raison la haine du système qui oppresse, elles apportent une justification morale - et parfois même une obligation morale – à la prise des armes et elles permettent souvent de renforcer la clandestinité opérationnelle et donc l’attractivité des mouvements qu’elles combattent.
2 – La carrière violente
Il nous parait possible de retenir un certain nombre de critères sociologiques déterminants pour comprendre l’engagement violent à la seule condition de les replacer dans un itinéraire biographique singulier. Les individus connaissent en effet des « carrières militantes » particulières qui façonnent de façon progressive leur engagement dans la lutte armée (Becker, 1985)[5]. A ce titre, on ne dira pas – sauf cas exceptionnel – que l’on bascule soudainement dans la violence politique, mais bien plutôt qu’on y pénètre lentement, porteur de certains déterminismes mais confronté à une histoire singulière, à des interactions décisives, à des rencontres importantes qui conduisent l’acteur vers un engagement non questionné (Becker, 1960 ; Debos, 2009)[6]. La notion de « carrière » - en introduisant dans l’analyse une dimension à la fois temporelle et interactionniste - permet ainsi de penser l’acquisition progressive de compétences guerrières mais également la modification progressive des représentations de soi et de l’environnement qui permet à l’acteur d’envisager l’engagement milicien comme l’aboutissement normal d’un itinéraire singulier.
Réfléchir en terme de carrière c’est se donner les moyens de comprendre comment une « disposition à » se traduit par une action effective, par un engagement réel (Fillieule, 2001). Le regard temporel induit par la notion – la carrière est un processus - met en relation les données objectives qui habitent le candidat à l’engagement violent avec à la fois ses rencontres et interactions souvent déterminantes pour saisir le passage à l’acte et le champ des possibles politiques, fonction lui de son environnement immédiat. L’engagement est à ce titre un parcours progressif où chaque choix opéré par l’acteur a des conséquences sur les actes et comportements qu’il devra tenir à l’avenir, conditionnant à leur tour ses possibilités d’évolution. Cette trajectoire militante façonne également le regard porté sur le monde et détermine ainsi les actes dictés très souvent par la vision construite de la situation. C’est cette « radicalisation pas à pas » qu’il faut cerner (Collovald et Gaïti, 2006, p. 32).
Felices Luna Maritza, étudiant l’engagement paramilitaire des femmes en Ulster et au Pérou, distingue trois formes de carrières militantes, d’engagements dans la lutte armée : un processus d’entrée par vocation, résultant d’une prise de conscience soudaine de conditions d’inégalités ou d’injustice alimentées par le système en place qu’il faut combattre ; un processus d’entrée circonstancielle, où l’entrée en militantisme radical s’opère à travers le constat d’une injustice mais sans réelle volonté activiste, répondant à des circonstances aléatoires les poussant presque par accident dans une organisation de type clandestine ; enfin existe aussi un processus d’entrée sous contrainte où l’actrice violente le devient par nécessité, par obligation de survie personnelle ou familiale ou tout simplement par pression sociale lorsque l’inaction deviendrait plus couteuse que l’action violente elle-même (Maritza, 2008, p. 167-169). Si l’on oublie momentanément ce dernier processus, les deux autres éclairent certains éléments clefs pour saisir la carrière militante : la rencontre avec l’organisation par le biais d’un tuteur, l’apprentissage des techniques de la violence, l’attachement à l’organisation et à sa cause.
A l’inverse des mouvements sociaux où l’engagement se fait souvent de façon aisée tant ceux-ci sont labiles, aux frontières floues et peu structurées, l’entrée dans une organisation clandestine de lutte armée induit une proximité forte avec certains de ses membres ou avec des passeurs agréés. Mac Adam le souligne dans son étude sur le Freedom Summer, la rencontre avec un tuteur familier de l’organisation est une nécessité première pour pouvoir concrétiser son engagement (Mac Adam, 1986, p.66). Pour Mac Adam, comprendre l’entrée dans l’activisme revient non pas à s’intéresser aux caractéristiques propres du sujet mais bien plutôt à son itinéraire de vie induisant des rencontres qui orientent les choix à venir. La carrière militante va dès lors dépendre de la capacité de l’acteur à entrer en contact avec ces personnes ressources. L’engagement sera ainsi facilité par un agent recruteur autorisant un investissement presque total (Sommier, 2008, p. 88-89). Le concept d’agent recruteur ne doit pas être pris dans son sens étroit[7]. Si certaines organisations hautement clandestines et sans soutien social marqué, à l’image des groupes d’extrême gauche des années soixante-dix, fonctionnent par affinités électives exigeantes, d’autres mouvements plus présents dans le tissu social quotidien des individus semblent plus facile à pénétrer. La famille ou le réseau de village ou de caste constitue un milieu favorable de socialisation à l’engagement doublé d’un tutorat intégrateur aux organisations radicales très présent et visible, comme on le constate au Pakistan, en Afghanistan ou même au Liban où la présence massive et vécue comme protectrice du Hezbollah fait dire à une jeune recrue : « rentrer au Hezbollah est naturel car ils sont partout » (Chaib, 2008, p. 305). Le risque de perdre la face vis-à-vis des pairs ou celui de la marginalisation peuvent suffire à conduire l’acteur à intégrer le mouvement armé. Mais ce processus d’entrée dans la violence par le biais d’un agent recruteur n’est pas automatique. Il implique bien souvent une double condition. La première est la disponibilité biographique (absence d’enfants ou de vie professionnelle établie), souvent propre à la jeunesse militante, qui supporte les coûts parfois élevés de l’engagement[8]. La seconde est l’établissement d’une confiance suffisante en soi et vis-à-vis du groupe militant. C’est par le jeu que l’acteur devient progressivement activiste : à force de jouer au militant - initialement spectateur puis acteur marginal, puis manifestant effectif, puis activiste investit et enfin clandestin - l’acteur se forge progressivement une stature suffisante pour renforcer sa confiance en soi et offrir au groupe les preuves de son volontarisme. Là encore, la carrière est progressive et dépendante d’un effet d’entrainement produit par le contexte politique et social et par l’investissement affectif de l’acteur dans son rôle. Le tuteur a aussi un rôle d’enseignant, indispensable pour acquérir les techniques mêmes de la violence. La carrière est aussi un apprentissage de règles et usages, de « feeling rules » et de techniques établies qui familiarisent avec les besoins de la lutte (Sommier, 2008, p. 88-89 ; Della Porta, 1995). Le passage dans un service d’ordre – courant pour les groupes d’extrême gauche – est ainsi un premier pas dans la carrière du militant violent. De la même façon, la participation régulière aux émeutes urbaines politisées au Pays Basque (la Kale Borroka) est devenue un premier pas décisif pour entrer dans l’ETA. L’apprentissage de la « haine » abertzale, l’enseignement des techniques de lutte concrètes contre la police (fabrication de petits explosifs, techniques de dissimulation, techniques de fuite ou de charge), la familiarisation avec la répression et le vécu commun de celle-ci, forgent progressivement un habitus militant violent[9].Cet apprentissage progressif se double très souvent – lorsque l’entrée en radicalité est circonstancielle ou par vocation – d’un phénomène d’attachement définit par Goffman comme un mécanisme par lequel l’acteur devient épris cognitivement et émotionnellement de l’image identitaire qu’il a de lui même et de son entourage (Goffman, 1961). Cet attachement conduit à surinvestir dans le rôle, renforçant ainsi une carrière militante et freinant les possibilités de faire machine arrière. L’apprentissage des techniques de violence et des normes du groupe renforce l’attachement à un rôle que l’on maitrise progressivement ; la connaissance de l’organisation et les liens souvent forts liés dans la lutte produisent eux aussi de l’attachement à la cause, l’organisation et aux camarades auxquels on s’identifie (Linden et Klandermans, 2003 ; Juergensmeyer, 2003)[10]. Le succès de la carrière est ici dépendant de la force d’attractivité de l’organisation
3 – La logique de l’Organisation
L’engagement dans la violence politique requiert la connexion avec une organisation structurée capable de porter la lutte de façon efficace et pérenne. C’est aussi dans la confrontation avec l’organisation que se joue le processus d’attachement et, ainsi, la force de l’engagement.
Structure parfois close, l’organisation armée – surtout si elle est clandestine – développe des liens de camaraderie, voire d’amour, extrêmement forts du fait de la dépendance mutuelle des acteurs en son sein et de la relative absence de liens avec l’extérieur. La fascination initiale du jeune militant pour une organisation toute entière vouée à la cause se transforme, lorsque l’engagement est plus accompli, en relation fusionnelle – souvent nécessaire pour des raisons sécuritaires - avec ses camarades : « Devotion to comrades is not only a force for joining a radical group, it is equally or more a barrier to leaving the group » (Mac Cauley et al, 2008, p. 422). Ce phénomène fusionnel sera d’autant plus fort que l’organisation, si elle est clandestine et relativement isolée de tout ancrage social, fonctionnera dans l’isolement et la peur. La logique de la clandestinité peut conduire à une modification des perceptions individuelles et collectives où seule la sécurité de la cellule combattante compte, le groupe devenant tout puissant aux yeux des siens. Le système de justification de la violence fonctionne alors sans censure externe et facilite dès lors l’adoption de postures de violence à l’encontre de quiconque menacerait la fusion groupale. Lorsque la carrière violente conduit des marges du groupe au cœur de l’organisation, les dispositions à la radicalisation sont produites par cette logique de groupe et nullement ou très peu par des dispositions propres aux acteurs (Mac Cauley et al, 2008 ; Liniers, 1985)[11]. Parfois, l’idéalisation de l’organisation[12] (ou parfois de son seul leader) peut produire une force d’attraction telle que l’économie psychique des acteurs en devient totalement soumise aux impératifs de la cause : « Dans ces conditions la valeur accordée à la vie humaine, celle du sujet d’abord, mais aussi celle d’autrui, ne constitue plus un contrepoids suffisant pour éviter les dérapages violents, meurtriers et suicidaires » (Casoni et Brunet, 2005, p. 80). La carrière violente s’accélère sous l’effet de la séduction de l’idéal groupal.
D’autres effets psychosociologiques propres au phénomène organisationnel favorisent l’engagement dans la radicalité. Au sein du mouvement combattant naissent très souvent des phénomènes concurrentiels entre acteurs disposés à confirmer, aux yeux de tous, la rigueur de leur engagement. La carrière militante éprouve ce phénomène qui accélère la montée en radicalité : « la compétition intragroupale pour l’acquisition du statut de « plus radical possible » conduit progressivement le groupe vers le terrorisme » affirment deux politistes américains spécialistes de polémologie (Collier et Horowitz, 1989, p. 147). On retrouve ce phénomène dans nombre de témoignages d’acteurs clandestins comme celui de ce militant sikh de l’AISSF que Laurent Gayer interprète fort justement : « le problème du martyr c’est que tout le monde veut y accéder et que cela finit par devenir une affaire de prestige individuel (…) C’est en fait la concurrence symbolique prévalant au sein de la résistance qui contribua au passage à l’acte des combattants plutôt que ces répertoires culturels » (Gayer, 2008, p.286). A une autre échelle, un entretien approfondi avec un des responsables du FLNC montrait également la force de cette concurrence interne pour la radicalisation, qui parfois même en arrivait à contrevenir aux intérêts du mouvement clandestin lorsque, en 1987, chaque secteur du Front souhaitant prouver aux autres sa vigueur activiste et son refus de la compromission, les attentats devinrent si fréquents sur Ajaccio (parfois deux par jour) que la sécurité des poseurs de bombe en devenait menacée[13]. A la concurrence intragroupale peut s’ajouter une concurrence intergroupale lorsque plusieurs acteurs clandestins officient. Là aussi la carrière violente des acteurs peut résulter de la volonté de chaque groupe d’apporter la preuve de sa puissance opérationnelle, forçant les individus à un engagement toujours plus total pour ne pas « perdre la face » face aux challengers[14].
Comprendre l’engagement à haut risque force à s’extraire de la seule approche rationnelle de la mobilisation des ressources car le coût de l’action est tel qu’il ne permet pas de comprendre la logique de l’engagement sur une seule base instrumentale. Une approche complémentaire en termes de sociologie des organisations peut permettre de saisir le conditionnement psychologique du groupe et, partant, les raisons de l’engagement. On parlera avec Franck Hairgrove et Douglas Maclead d’un « small group training model » en insistant sur l’attractivité de l’organisation pour les militants et sur sa capacité à produire une lecture cognitive du monde qui lui soit propre (2008, p. 401)[15]. L’isolement sectaire favorise une représentation démoniaque de l’autre, devenu ennemi à abattre plus qu’adversaire à convaincre. La dynamique des petits groupes fermés renforce une vision binaire du monde (eux contre nous), souvent apocalyptique, offrant au groupe un rôle salvateur et éloignant de toute considération l’adversaire désigné. Le « small is beautifull » pourrait ici être mobilisé : l’insertion dans une structure close ou semi-close, tournée vers la seule satisfaction d’une cause absolue, en contact étroit et exclusif avec un nombre limité de militants sert la dynamique de l’engagement violent en proposant un modèle fascinant d’homogénéité unitaire, de ton missionnaire et de toute puissance.
Conclusion
Un cas d’engagement radical n’a pas été évoqué jusqu’alors et met en difficulté le schéma proposé dans cet article. Il s’agit de l’engagement sous contrainte, non choisi ni désiré mais pas non plus le fruit d’un concours circonstanciel. L’engagement sous contrainte permet de penser les phénomènes de radicalisation militante résultant d’une force extérieure qui oblige l’acteur, rendant inutile tout questionnement en termes de processus et de mécanismes d’intégration aux groupes violents.
Pourtant il peut paraitre difficile de cerner avec précision le concept d’engagement sous contraintes. Nombre d’engagements dans une activité à risque s’opèrent avec réticence tant le coût de l’action parait immédiatement élevé. Lorsque le tuteur de l’acteur s’avère être le membre d’une même caste ou lorsque l’engagement s’opère en groupes d’amis ou via un réseau de village ou de métier, la décision de suivre est rarement totalement libre mais peut résulter d’une pression des pairs, même invisible ou non ressentie comme telle mais pourtant réelle. L’engagement est dès lors contraint sans que la pression prenne la forme de la menace.
On choisira pourtant de distinguer quatre cas d’engagement sous contrainte formalisée, c'est-à-dire ressentis comme tel par les acteurs, résultant d’un calcul rationnel où est pesé le coût probable du non engagement.
- L’engagement forcé que l’on retrouve beaucoup dans ce que certains théoriciens appellent les guerres nouvelles, s’opérant sur le dos des populations civiles avec leur participation obligée (Munkler, 2003 ; Kaldor, 1999). Les cas bien connus des enfants soldats en République démocratique du Congo, en Sierra Leone ou au Sri Lanka, dans les rangs des LTTE, ont alimenté la glose journalistique sur les horreurs des conflits modernes. Les enlèvements d’enfants par des troupes de miliciens, devenus de la chair à canon souvent sous l’effet de substances hallucinogènes ou tout au moins de la crainte que leur inspirent leurs nouveaux maitres, illustrent ce phénomène hautement médiatisé (Rosen, 2005)[16].
- L’engagement par terreur. Proche du précédent type, l’engagement relève ici d’un non choix absolu. On retrouve ce phénomène en Amérique latine où un certain nombre de guérillas ont pu contraindre des villageois à alimenter les rangs miliciens sous risque d’être considéré comme des ennemis à abattre (Maritza, 2008 ; Hardin, 1995). Au Rwanda, de nombreux témoignages d’Hutus modérés ont également montré que l’intégration dans les rangs des Interhamwe, responsables des massacres de masse, était une obligation physique. Le refus de la participation à la violence génocidaire pouvait entrainer la mort de l’hésitant ou de sa famille (Hatzfeld, 2003 ; Des Forges, 1999).
- L’engagement pour obtenir protection. Le cas nord irlandais atteste cette réalité d’une organisation paramilitaire très puissante et fortement présente sur le terrain social, opposant sa légitimité protectrice à un pouvoir perçu comme hostile par la population catholique locale. L’engagement dans l’IRA pouvait être vécu comme une façon d’obtenir de la part des paramilitaires une protection physique de son quartier vis-à-vis de la police ou des milices loyalistes[17]. Le Hezbollah au Liban jouera un rôle assez comparable. Frederic Grare fait état au Cachemire de mouvements paramilitaires formés de renégats ou « retournés » engagés dans l’action armée pour racheter leur militantisme anti-indien (le cas de la Special Task Force ou du Ikhwan-ul-Muslimoon) (Grare, 2008, p. 93).
- L’engagement par liaison. Parfois mis en avant pour expliquer l’engagement des femmes dans certaines luttes armées, la liaison sexuelle avec un militant peut conduire la femme à suivre dans l’activisme son amant ou mari ou être contrainte à le suivre. On retrouve ce phénomène dans des violences infra-politiques, comme en Italie où les arrestations massives de mafieux ont conduit nombre de femmes à s’engager dans l’économie criminelle pour remplacer leurs maris sous écrous[18].
Hors ces cas particuliers – mais pas anecdotiques – la logique de l’engagement dans des activités à haut risque impliquant l’usage de la violence politique nous a semblé pouvoir être appréhendé de façon sociologique. On a voulu distinguer quelques-uns des facteurs (de façon non exhaustive) qui nous semblent fonder objectivement les moteurs initiaux de l’engagement. A ces déterminants lourds ou à ces facteurs motivationnels on a voulu ajouter les mécanismes essentiellement cognitifs de la radicalisation, transformant un potentiel de violence en pratique effective. Le poids des représentations, des cultures d’encouragement, de la socialisation et des cadres de perception nous paraît ici fondamental pour cerner le processus de radicalisation. Ce dernier ne se laisse totalement appréhender qu’à la condition d’en penser la dimension socio-politique faisant intervenir les interactions entre les groupes combattants et leur environnement ainsi que, dans une dimension évolutive, les mutations des statuts et de l’auto-perception que les acteurs engagés subissent au cours de leurs carrières militantes.
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On résumera ainsi le processus de radicalisation présenté :
Les facteurs de l’engagement |
Catégoriels : -déterminismes socio-biographiques -appartenance genrée - Niveau d’éducation et de pauvreté - milieu familial |
Motivationnels: -Rentabilité perçue de l’engagement -incitations perçues à l’engagement |
radicalisation
radicalisation
Socialisation primaire ; socialisation secondaire ; culture clanique et phénomènes de bandes ; encouragements culturels |
Cadre cognitif de crise Phénomènes de résonance cognitive Phénomènes de résonance émotionnelle Poids des idéologies et doctrines |
Choc moral |
Les mécanismes cognitifs de la radicalisation |
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Logique de l’organisation Degré de clandestinité du mouvement ; idéalisation du groupe combattant et vision dichotomique de l’environnement ; soumission à la logique de survie de l’organisation ; compétition intra-groupale |
Carrière violente Rencontre avec un tuteur ; disponibilité biographique ; apprentissage des règles de la violence ; insertion dans un milieu de valorisation de l’activisme ; transformation de l’auto-perception et valorisation de la radicalité |
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Bricolage cognitif des organisations et capacités de monitoring |
SOP Soutiens d’acteurs institutionnels ; complicité des élites politiques ; contre-mouvements activistes ; niveau de coercition de l’Etat ; importance de la répression… |
Le processus sociopolitique de radicalisation |
[1] - En 1984 l’armée hindoue attaque un temple sikh au Pendjab. La répression militaire fera plusieurs milliers de morts.
[2] - En 30 ans de lutte clandestine et plus de 8000 attentats, un seul commando du FLNC a été arrêté en flagrant délit, en 1994 . L’intégralité de ses membres sera relâchée quelques mois plus tard pour faute de procédure.
[3] - La nécessaire prise en compte du risque dans l’action collective est soulignée par Doug Mac Adam dans son article sur le Freedom Summer.
[4] -. Voir également les premières scènes du très bon film d’Uli Edel, La Fraction Armée Rouge, 2008.
[5] - “ Un concept utile pour construire des modèles séquentiels de divers types est celui de carrières” (Becker, p. 47).
[6] - Howard Becker parlait d’« engagement par défaut » pour signifier ce non basculement (Becker, 1960). Cette approche a été récemment développé par Marielle Debos dans sa très belle analyse des miliciens au Tchad in Des combattants entre deux guerres. Sociologie politique du métier des armes, Paris, Thèse IEP (dir G. Devin), novembre 2009.
[7] - On pourrait même souligner ici le rôle important d’Internet comme tuteur fictif permettant une mise en relation entre candidats radicalisés et les mouvements violents professionnalisés, comme c’est le cas pour les mouvements islamistes en Europe (Amel Boubekeur et Eli Mechanic, 2010).
[8] - On soulignera que cette disponibilité biographique n’est pas partout vécue de la même façon : au Pakistan, l’autorisation familiale est souvent plus importante, favorisant l’engagement de fils ou même de maris, soucieux d’incarner l’espoir et l’honneur de leur famille ou de leur clan.
[9] - Témoignages dans l’Express, « le sang neuf d’ETA », 12 décembre 2003.
[10] -. Mark Juergensmeyer apporte également l’exemple de deux jeunes sikhs liés par des liens d’amitié très forts qui les pousseront à entrer ensemble dans la lutte armée et à mourir ensemble pour leur cause (2003, p. 198).
[11] - Antoine Liniers, pseudonyme d’un des fondateurs de la gauche prolétarienne en France souligne à quel point en France le refus de l’isolement (ouverture sur le monde social via les média et les intellectuels) et la réalité d’une culture anti-organisationnelle de type libertaire a permis de prévenir une radicalisation trop forte que l’on trouvera en Allemagne ou en Italie avec les RAF et les BR (Liniers, 1985, p. 154 et 219)
[12] - qui passe souvent par l’adoption d’un pseudonyme, identité factice de soi définie par l’appartenance à l’Organisation.
[13] - obligeant la direction centrale du mouvement à mettre en place des cycles de passage pour chaque secteur du Front.
[14] - L’assassinat en février 1998 du préfet Erignac résulte directement de cette logique concurrentielle qui a vu un petit groupe dissident soucieux de recomposer le nationalisme clandestin autour de son nom à travers un « geste fort » qui délégitimera la lutte jugée par trop « modérée » du FLNC de Bastia, en négociation avec le pouvoir d’État à l’époque.
[15] - Les auteurs établissent un lien entre la mobilisation islamiste violente au sein de petits groupes clandestins et la tradition religieuse qui renvoie à l’histoire du prophète et de ses compagnons. La séduction de l’organisation tiendrait ainsi à la possibilité pour ses membres clandestins de « rejouer » l’histoire prophétique en enseignant l’islam aux impies au moyen de l’explosif. Si cette lecture apparait par trop culturellement orientée, elle n’en permet pas moins de souligner la dimension narcissique de l’activisme en petit groupe (« les élus contre les ignorants ») qui participe fortement de la séduction d’une carrière violente.
[16] - On pourra aussi se reporter au très beau roman de Kourouma Ahmadou, Allah n’est pas obligé, Paris, Seuil, 2000 ou au film choc de Jean Stéphane Sauvaire, Johnny Mad Dog (2008).. On estime que dans les années 90, au Congo, 7% des combattants étaient des enfants soldats (Ngodi E, 2006, p. 95).
[17] - On se reportera aux témoignages issus du film de la BBC, Les soldats de l’IRA (chapitre 1) visible sur Dailymotion. Voir également Féron (2003, p. 31) et Darby (1986, p. 71),
[18] - Merci à Isabelle Sommier pour cette information.