1 - La notion de « conflits armés » est vague. Elle dépasse largement celle de guerre même si les manuels destinés à la formation des militaires confondent bien souvent les deux notions. Par conflit armé, nous entendons tout à la fois les guerres dans leur pluralité mais aussi les autres formes de contestation violente au moyen d’armes létales opposant des groupes sociaux entre eux ou un groupe social et un État. On distinguera plusieurs types de conflits armés, pas toujours aussi clairement identifiables et perméables les uns aux autres :
- La guerre est elle-même plurielle. Les guerres « parfaites » de type interétatique « mettent aux prises des unités politiques qui se reconnaissent réciproquement existence et légitimité » (Aron, 1962, p. 160). Le plus souvent motivées par des conflits territoriaux, ces guerres qui représentaient 82% des conflits armés entre 1815 et 1945, ne représentent plus que 23% entre 1946 et 1996 (David, p. 74). Les guerres civiles - qui se distinguent des précédentes par l’absence d’organisation étatique des combattants - constituent actuellement la forme la plus répandue de conflit guerrier et souvent également la plus meurtrière. Jean Pierre Derriennic, tout en reconnaissant la mixité des structures conflictuelles et des motivations combattantes, distingue trois types de guerres civiles (Derriennic, 2001, p. 18) : les guerres civiles partisanes qui opposent des groupes auxquels les individus combattants acceptent d’adhérer sur la base – le plus souvent – d’un choix personnel. Ils décident de « faire parti » de la guerre au nom de principes ou de doctrines qui, inévitablement évolutives, peuvent modifier sans cesse le jeu des alliances et ainsi rendre le conflit interminable. Les guerres civiles socio-économiques sont celles où s’opposent des groupes définis par la place de leurs membres au sein de l’activité socio-économique. Cette violence sera particulièrement forte dans les sociétés où la place des individus est jugée comme définitive ou peu évolutive, alors que dans les sociétés de marché plus mobiles, la possibilité de changer de statut pourra se faire sans le recours des armes. Enfin, les guerres civiles identitaires opposent des collectifs auxquels on appartient à la naissance sans préjuger du volontarisme de l’acteur combattant. On pourra parler de guerre ethnique ou raciale ou même culturelle pour illustrer ces conflits armés qui surinvestissent un item de l’identité (la religion ou l’appartenance tribale) pour le constituer en élément fédérateur d’une communauté et d’opposition à une autre.
- A la marge de ces conflits guerriers, on pourra aussi évoquer les « guerres sauvages » pour reprendre le vocabulaire de Wolfgang Sofsky (Sofsky, 1998) ou « guerre impériales » comme les qualifiaient Aron (Aron, 1962, p. 160) c’est-à-dire celles qui ont pour objet ou conséquence l’élimination presque totale de l’un des belligérants. Associées aux massacres de masse, ces guerres sauvages visent moins la domination d’un autre, la prédation territoriale ou même sa soumission mais ambitionnent véritablement son éradication en tant que tel dans un processus qui peut s’apparenter à un véritable génocide. Les guerres au Rwanda, en Tchétchénie ou en Bosnie, qui se caractérisent par un refus manifeste des règles de la guerre et par un discours belligène raciste et exterminateur, ont pu s’apparenter à ces formes extrêmes de conflits armés.
- La guérilla est à la fois une tactique de guerre et en même temps une forme à part entière de conflit armé. Le terme, emprunté à l’espagnol du temps de la résistance aux forces napoléoniennes, signifie « petite guerre ». Au-delà de l’ambition belligène limitée, la guérilla peut se définir comme un objectif politique de renversement d’une autorité contestée par l’utilisation de faibles moyens militaires mais très mobiles, rapides, utilisant l’effet de surprise et facilement mobilisables. C’est sa dimension politique qui distingue la guérilla des opérations commandos des forces spéciales qui ont des objectifs essentiellement militaires. Pour autant, la guérilla est aussi une tactique de lutte qui sera empruntée en période de guerre par nombre d’armées conventionnelles (G. Chaliand, 2006).
- Autre conflit armé également présent en tant que tactique ou technique de guerre, le terrorisme constitue actuellement un élément central de la scène conflictuelle mondiale. Si la définition du terme donne toujours lieu à des conflits tant le qualificatif est stigmatisant, on pourra l’envisager comme une tactique de guerre cherchant à distinguer intentionnellement la victime civile de l’attaque (la population civile) de la cible politique combattante (l’État et son armée). Le terrorisme est la forme type du conflit armé asymétrique visant à compenser la faiblesse des moyens militaires de l’un des protagonistes par des attaques surprises et parfois massives à l’encontre de cibles non combattantes pour peser sur les acteurs politiques en charge des populations touchées. Si le terrorisme a longtemps été territorialisé (opérant sur un territoire circonscrit) dans un objectif politique précis (obtenir l’indépendance d’un territoire ou renverser un gouvernement devenu incapable de protéger sa population), l’apparition du djihadisme international de type Al Quaïda a fait advenir un terrorisme méta-politique déterritorialisé, massif et aux finalités confuses (Crettiez, 2008, p. 83).
- Enfin, certains conflits armés de basse intensité et non directement politiques ne peuvent s’apparenter aux guerres, aux guérillas ou à des formes de terroriste mais usent pourtant massivement de l’assassinat et peuvent constituer des phénomènes de déstabilisation politique d’États ou de régions entières. On parlera des conflits criminels intéressés pour qualifier les phénomènes mafieux ou organisés autour de la prédation économique, sans discours politique de légitimation. Les gangs armés dans l’espace nord américain, les Maras au Guatemala, Honduras, Salvador et au Mexique, les narco-trafiquants de Colombie ou les puissantes mafias italiennes constituent des groupes criminels organisés et violemment éruptifs sur la scène publique, susceptibles de menacer la stabilité des Etats en s’en prenant directement aux acteurs de la régulation publique (politiques, militaires, juges) ou en viciant, via une économie souterraine, les comptes publics (Sommier, 1998).
2 – Il peut paraitre présomptueux d’essayer de sérier les causes des conflits armés, tant celles-ci paraissent hétérogènes, singulières à chaque situation et tant l’analyse causale simplifie des phénomènes qui relèvent bien souvent d’interactions multiples et mal contrôlées. On distinguera pourtant quatre facteurs alimentant les conflits armés :
- Les facteurs socio-démographiques à l’image de la pauvreté ou de la démographie. Si le niveau de richesses possédées ne peut en soi être déterminant pour comprendre les logiques de guerre, nombreux sont les conflits armés qui reposent sur des inégalités économiques mal supportées ou trop visibles. La pauvreté n’est pas en soi le moteur de la conflictualité, comme le montre le très grand nombre de pays pauvres non belliqueux, mais les inégalités affichées et encouragées voire institutionnalisées (cas de l’Afrique du sud pendant l’Apartheid, de l’Irlande du Nord dans les années soixante-dix ou de la situation palestinienne) conduisent souvent à des soulèvements violents. Il en va de même de la démographie. Le lien est fort tenu entre densité de population et guerre. A ce titre des pays connaissant une très forte densité démographique peuvent s’avérer très pacifique (les Pays Bas) au même titre que ceux qui en connaissent une très faible (l’Australie). Mais pour autant la densité démographique peut fortement encourager la violence lorsqu’elle s’accompagne d’autres paramètres comme le manque d’accès aux ressources élémentaires que sont l’eau ou la nourriture (cas du Darfour au Soudan) ou l’encouragement par un discours raciste belligène (cas du Rwanda). La densité démographique peut aussi être importante lorsqu’elle touche particulièrement une catégorie de population ciblée en raison de son âge ou de son sexe. Les criminologues savent bien que la plupart des actes délictueux violents sont commis par de jeunes males entre 15 et 40 ans (Cusson, 1990). Les pays présentant une forte poussée démographique dans cette catégorie peuvent ainsi connaître un niveau de violence plus fort et moins contrôlable, d’autant plus si des caractéristiques culturelles ou sociales l’encouragent (phénomènes de bande, logiques vendettaires, virilisme exacerbé).
- Les facteurs politiques apparaissent désormais dominants pour comprendre la dynamique de la violence conflictuelle. L’accès aux centres de décision, l’orientation des politiques publiques ou le partage plus équitable du pouvoir, constituent bien souvent les moteurs des conflits armés. Singulièrement lorsque l’État est vécu par certains comme un outil de privatisation des ressources et de renforcement d’une communauté au dépend d’une autre, la violence armée constituera une réponse, d’autant plus nécessaire qu’elle est la seule. La guerre civile en Algérie après l’interruption du processus électorale ou le conflit armé en Côte d’Ivoire face à un clan soucieux de marginaliser tout rival possible à la présidence du pays, attestent cette tentation de faire de la politique par la guerre. Les conflits armés peuvent aussi sourdre de la répression massive ou ciblée, toujours perçue comme injuste par ceux sur qui elle s’exerce. Le terrorisme algérien et tchétchène, l’intifada palestinienne ou les rébellions populaires en Iran se fondent dans cette dialectique politique répressive.
- Les facteurs économiques sont souvent décrits comme dominants dans ce que certains analystes appellent les « guerres nouvelles » (Kaldor, 1999 ; Munckler, 2003). L’accumulation de richesses ou la prédation ne sont pas seulement les moteurs pratiques de la conflictualité pour des organisations criminelles qui ne revendiquent rien d’autre que l’enrichissement mais sont aussi au cœur de mouvements politiques aux finalités floues et soucieux de perdurer sur la scène publique (de l’action des FARC en Colombie jusqu’à la guerre sierra léonaise, la violence de greed and grievance est une réalité). De la même façon, les guerres interétatiques ont de tout temps comporté une ambition prédatrice visant non seulement les territoires de l’autre combattu mais aussi ses ressources. Les interventions armées en Irak ou la guerre en Tchétchénie ne peuvent se comprendre à partir d’une seule boussole économique, mais celle-ci demeure pourtant une réalité partielle.
- Enfin, des facteurs psychologiques et cognitifs comme la peur, la frustration identitaire ou la volonté d’imposition de référentiels complètent cette typologie. Nombre de guerres à commencer par les grands conflits interétatiques (à l’image de la guerre Iran/Irak, de celle qui opposa les américains aux forces de Bagdad ou du War on terror décrété par Washington) reposent sur la peur de l’autre qui justifie en retour le concept de guerre préventive : « il me faut tuer l’autre avant que sa menace ne se fasse trop importante ». Le sentiment parfois très vif d’une méconnaissance culturelle ou d’une négation de son identité en tant que peuple ou communauté peut fourbir la volonté de conflit vis-à-vis de ceux qui affichent au mieux une supériorité entendue, au pire une politique discriminatoire active. Bien des conflits identitaires, du mouvement sikh en Inde aux révoltes tamouls au Sri Lanka en passant par le républicanisme armé en Ulster, répondent à cette puissante logique de frustration identitaire. Enfin, la force de certains référentiels (l’idée d’une suprématie religieuse, le culte éperdu de la nation ou celui d’une saine révolte des damnés de la terre) justifie tous les excès violents et alimente les conflits armés. De la première guerre mondiale (le nationalisme) jusqu’au terrorisme djihadiste (l’islamisme), les référentiels évoluent mais leur force de conviction entraine dans leurs sillages des peuples entiers.
3 – L’actualité des conflits armés depuis la seconde guerre mondiale est fluctuante. Plusieurs phases rythment leur évolution. Dès les années cinquante, la contestation armée s’installe dans les anciennes colonies de la puissante Europe ou au cœur des grands empires comme la Chine. De Bourguiba à Mao en passant par Ho chi Minh la lutte armée bouscule l’Ouest sans pourtant inquiéter cette ancienne colonie que sont les Etats-Unis. C’est lorsque la décolonisation sera perçue comme une menace communiste et que des barbudos s’installent à quelques encablures des côtes de Floride, que la puissante Amérique se fait entendre. Le tournant des années soixante-dix et quatre-vingt intervient à ce titre comme une piqure de rappel et va produire des événements qui bousculeront durablement le monde à venir : avec l’invasion de l’Afghanistan, la révolution iranienne, l’accès au pouvoir des sandinistes au Nicaragua et des juntes marxistes en Angola et au Mozambique, les Etats-Unis inversent la figure du rebelle et arment les « combattants de la liberté » contre les hiérarques communistes. La fin de la guerre froide s’ouvre sur un retrait de l’URSS (ou de ce qu’il en reste) des terrains de lutte périphériques. Débarrassés du carcan idéologique dominant, les vieux antagonismes ressurgissent encouragés par des opportunités nées du désintérêt des grandes puissances. Sur les terrains africains comme moyen-orientaux ou même européens (ex-Yougoslavie), des guerres nouvelles apparaissent, souvent destructrices et de nature civile, d’autant plus redoutables que les occidentaux, rassurés sur leur domination et échaudés par des expériences militaires désastreuses (Vietnam, Liban, plus tard Somalie), demeurent peu interventionnistes. Le 11 septembre 2001 bousculera cet état de fait. Désormais soucieux de marier ses intérêts avec sa puissance, l’Amérique néo-conservatrice – imitées par une Russie en mal de reconnaissance - va se faire menaçante face à des ennemis peu visibles et sur des terrains de lutte mal maitrisés. De l’Irak à l’Afghanistan ou à la Tchétchénie, les conflits armés se radicalisent sous le mot d’ordre dominant de la guerre au terrorisme, entrainant avec eux des populations otages de méthodes belliqueuses peu économes des populations civiles.
Liste des principaux conflits armés en cours ou récents (période 2005-2010) dans le monde | |||||||||
Pays |
Type de conflit armé (CA) |
Acteurs du CA |
Causes majeures |
Intensité CA (1à5) |
Type de régime |
diversité ethnique et religieuse (0 à 5) | |||
1 - Proche et moyen orient - Maghreb | |||||||||
Irak |
Guerre civile ; terrorisme |
Forces américaines, mercenaires, djihadistes, milices chiites, sunnites et kurdes, banditisme |
P,R,S |
5 |
Collapsed state |
4 | |||
Iran |
Emeutes, conflit civil important, conflit sécessionniste (faible) |
Minorités ethniques, population civile |
P |
1 |
République islamiste |
2 | |||
Turquie |
Conflit sécessionniste, terrorisme |
Kurdes, ext gauche, Hezbollah |
S,R |
1 |
démocratie |
2 | |||
Syrie |
Terrorisme (rare) |
islamistes |
R,P |
0,5 |
R autoritaire |
1 | |||
Israël/ Palestine |
Guerre, terrorisme, émeutes |
Armée israélienne, milices islamo-nationalistes, colons extrémistes |
T, P,R,E |
4 |
démocratie |
4 | |||
Egypte |
Emeutes, terrorisme |
islamistes |
R,P |
1 |
R autoritaire |
1 | |||
Algérie |
Terrorisme, guerre civile, émeutes |
Islamistes, armée algérienne, minorités ethniques (Kabyles) |
R,P,RC |
3 |
R autoritaire |
2 | |||
Liban |
Terrorisme, guérilla |
Hezbollah, armée israélienne, milices |
T,R,P |
2 |
démocratie |
5 | |||
2 - Afrique | |||||||||
Côte d’Ivoire |
Emeutes, guerre civile |
Armée , jeunesses patriotes, forces nouvelles (anti-Gbagbo) |
E,P,I |
2 |
R autoritaire |
3 | |||
Tchad |
Guerre civile |
Armée, combattants rebelles, banditisme, rebelles soudanais du Darfour |
P,T |
2 |
R autoritaire |
4 | |||
Soudan |
Guerre civile identitaire |
Armée soudanaise, milices arabes djandjawid, mouvements rebelles (SPLA, Darfour Liberation Front…), milice islamiste |
P,I,E |
3 |
République islamiste |
2 | |||
Somalie |
Guerre civile, piraterie, criminalité organisée |
Milices islamistes, partisans d’une Somalie fédérale, partisans d’une Somalie unifiée, mouvements pro et anti-éthiopiens, banditisme |
P,T,E,R |
4 |
Collapsed state |
1 | |||
Ouganda |
Guerre civile identitaire et religieuse |
Lord Resistance Army (mouvement chrétien fondamentaliste) |
R,P |
4 |
R autoritaire |
4 | |||
Burundi |
Guerre civile identitaire, banditisme |
FNL (hutu), extrémistes tutsis, soldats démobilisés et criminalisés. |
P,I |
2 |
R autoritaire |
3 | |||
RDC |
Guerre civile identitaire, massacres, violences sexuelles |
Soldats tutsis, FDLR rwandais hutus, armée rwandaise, soldatesque délinquante, rebelles du nord |
I,E |
5 |
R autoritaire |
5 | |||
3 - Asie | |||||||||
Chine |
Emeutes, conflits sécessionnistes et identitaires |
Mouvements tibétains et ouighours, protestations paysannes violentes |
S,RC |
2 |
R autoritaire |
2 | |||
Philippines |
Terrorisme, guérilla, émeutes |
New People Army communiste (NPA), islamistes de la Jemaah Islamiyah et Abu Sayyaf |
R,P,E |
2 |
R autoritaire |
2 | |||
Indonésie |
Pogroms anti-chinois, conflit sécessionniste, terrorisme islamiste |
Mouvements séparatistes à Sumatra, en Papouasie, aux Moluques, mouvements islamistes radicaux |
R,E,S |
3 |
R autoritaire |
3 | |||
Malaisie |
Piraterie |
Banditisme de grande échelle |
E |
1 |
Monarchie éclairée |
3 | |||
Birmanie |
Emeutes populaires |
Contestation populaire, organisations criminelles |
P,E |
2 |
Dictature militaire |
1 | |||
Afghanistan |
Terrorisme, guerre civile |
Talibans islamistes, seigneurs de guerre, armées occidentales, rebelles pakistanais |
P,R,E |
5 |
Collapsed state / démocratie |
3 | |||
Pakistan |
Guerre civile, Guerre interétatique larvée, terrorisme |
Armée pakistanaise, islamistes, milices des zones tribales pachtounes, guerre au Cachemire |
P,T,R |
4 |
R militaire |
3 | |||
Inde |
Guerre interétatique larvée, terrorisme, pogroms (Gujarat) |
Mouvements sikhs, mouvements de libération du Cachemire, ultra-nationalistes hindous |
T,R,E,P |
2 |
démocratie |
3 | |||
Sri Lanka |
Terrorisme, guerre civile |
LTTE tamouls (fin de la guerre en 2008) |
P,I,E |
3 |
démocratie |
3 | |||
4 – continent américain | |||||||||
Colombie |
Terrorisme, guérilla |
FARC, narco-terroristes, forces gouvernementales, paramilitaires (AUC) |
P,E |
3 |
démocratie |
1 | |||
Salvador, Guatemala, Mexique |
Terrorisme, assassinats politiques, guérilla |
Maras (gang de jeunes latinos) : le M18, la MS (plus de 200 000 membres) |
E |
3 |
démocraties |
1 - 2 | |||
Etats-Unis |
Assassinats |
gangs |
E |
1 |
démocratie |
2 | |||
5- Europe | |||||||||
Tchétchénie |
Terrorisme, assassinats politiques, guerre |
Armée russe, boïvikis (rebelles tchétchènes), islamistes, banditisme |
P,E,T |
4 |
R autoritaire |
2 | |||
Géorgie |
Guerre interétatique |
Armée russe, armée géorgienne, rebelles abkhazes, rebelles ossètes |
T,S |
3 |
démocratie |
3 | |||
Espagne |
Terrorisme, assassinats politiques |
Nationaliste basque « abertzale » |
S |
1 |
démocratie |
3 | |||
France |
Assassinats politiques de basse intensité |
Nationalistes corses |
P, RC |
0,5 |
démocratie |
1 | |||
Italie |
Assassinats, terrorisme |
Crime organisée (mafia) |
E |
2 |
démocratie |
1 | |||
Légende : P = conflit pour le pouvoir ; E = conflit économique ; S = conflit sécessionniste ; RC = reconnaissance culturelle ; T = conflit territorial ; R = conflit religieux ; I = conflit identitaire | |||||||||
4 – Les mutations des conflits armés : A l’issue de la période de bipolarisation qui avait fortement marqué la scène conflictuelle, les guerres vont connaître des mutations, pour certains analystes, radicales, pour d’autres, contingentes. En prenant comme grille de lecture principale le terrain africain mais aussi en observant les conflits en ex-Yougoslavie ou en Tchétchénie, plusieurs social scientists (Paul Collier, Mary Kaldor, Herbert Munkler) vont opposer ces « guerres nouvelles » aux anciennes guerres qui couraient de la période napoléonienne jusqu’aux années 80. Les caractéristiques de ces guerres nouvelles seraient les suivantes :
- Privatisation des forces armées : à l’inverse des guerres conventionnelles passées animées par des militaires soumis à la direction des Etats, les guerres nouvelles seraient le fait de miliciens ou de mercenaires sans lien autre que financier avec l’État et dès lors détachés des obligations morales et éthiques des gouvernants.
- Guerres sans cause : à l’inverse des guerres idéologiques qui culminèrent depuis la seconde guerre mondiale, les guerres nouvelles seraient sans projet, véritables « guerres sans but » (Enzensberger, 1994, p.30), ne formant aucune ambition collective
- Guerres sans soutien populaire : alors que les guerres classiques s’opéraient ou tentaient de se mener avec l’assentiment de la population et bien souvent pour elle, les guerres nouvelles sont conduites contre le peuple, première victime de conflits armés qui le malmènent et parfois l’éradiquent.
- Des guerres inciviles : à l’image des terrains de lutte africains, les guerres nouvelles sont présentées comme sauvages, extrêmes, sans compassion aucune, faisant montre d’une violence sans contrôle, ce qui était la marque des conflits anciens.
- Des guerres de prédation : loin de chercher à l’image des guerres classiques ou même des guerres civiles de la période moderne ou contemporaine le pouvoir politique, les guerres nouvelles seraient principalement mues par un désir de prédation économique où la perspective du fun and profit déterminerait les engagements belliqueux.
- Enfin, les guerres nouvelles se caractériseraient par une temporalité chaotique et non linéaire, sans début précis ni fin affirmée. Ces low intensity wars, récurrentes, sont d’autant plus douloureuses qu’elles finissent par s’installer dans le quotidien des peuples et se naturaliser.
Ces oppositions entre « guerres anciennes » et « guerres nouvelles » peuvent paraitre schématiques et ont donné lieu à d’intéressantes critiques (R. Marchal et C Messiant, 2002) tant elles surévaluaient la nocivité des conflits récents et minimisaient la portée destructrices oubliée des guerres classiques. Mais la focale proposée n’est pas pour autant inutile : la quête prédatrice explique nombre de conflits armés et la présence grandissante d’enfants soldats ou d’abus sexuels caractérise bien souvent certains conflits actuels (même si elle n’était pas absente des conflits d’hantant). A ce titre la privatisation de la guerre, la présence en force de mercenaires sur les terrains d’action des armées traditionnelles (pensons aux compagnies de sécurité privées, deuxième force présente en Irak en 2010), est un élément caractéristique des conflits armés, répondant tout à la fois à des besoins militaires mais aussi à des exigences politiques. La doctrine du « zéro mort », qui obsède les états-majors occidentaux soumis au regard de la presse, participe de cette « mercenarisation » de la guerre, économe des vies des soldats nationaux.
5 – Un droit des conflits armés va être progressivement mis en place, destiné à limiter l’expression de la puissance des Etats. Déjà au XVIème siècle, la pratique des « capitulations » ou « conventions d’armistice » vont donner naissance à des règles coutumières de comportement des guerriers. Mais c’est vraiment à partir du XIXème sous l’impulsion de personnalités comme Henri Dunant, témoin horrifié de la bataille de Solférino, que la première convention de Genève voit le jour en 1864. Suivront celle de 1906, la convention de La Haye de 1907 et bine sût les quatre conventions de Genève du 12 août 1949, base du droit humanitaire. Le droit des conflits armés, dont il est à noter qu’il s’applique uniquement aux conflits internationaux interétatiques ou civils (mais pas aux phénomènes émeutiers ou aux pratiques terroristes internes), regroupe trois domaines spécifiques :
- Le droit de la guerre (ou droit de La Haye) concernant la guerre terrestre et maritime et visant à protéger les combattants des effets les plus meurtriers des engagements armés.
- Le droit humanitaire reposant sur les conventions de Genève de 1949 concernant les blessés et malades (1ère convention), les naufragés (2ème convention), les prisonniers de guerre (3ème convention) et les civils (4éme convention)
- Le droit à la maitrise des armements interdisant certaines armes (chimiques et biologiques, mines anti-personnelles, balles dum dum…) ou en limitant l’usage (armes incendiaires, mines)
Le droit des conflits armés, auquel sont soumis tous les combattants et leurs hiérarchies devant les tribunaux pénaux nationaux ou internationaux compétents, est sous-tendu par trois principes devenus fondamentaux :
- Un principe d’humanité visant à éviter les maux engendrés par un recours excessif à la force violente résumé par la clause de Martens affirmant que « les personnes civiles et combattantes restent sous la sauvegarde et sous l’emprise des principes du droit des gens »
- Un principe de discrimination imposant la distinction entre les cibles combattantes et les cibles non combattantes qui ne doivent être prises à partie de façon intentionnelle.
- Un principe de proportionnalité qui ne rend pas illégale les atteintes collatérales à des cibles civiles mais à la condition que les dommages ne soient pas excessifs au regard du gain militaire attendu par l’action violente.
Bibliographie :
Aron R., Paix et guerre entre les nations, Paris, Plon, 1962
Chaliand G., Voyage dans 40 ans de guérilla, Paris, Lignes de Repères, 2006
Crettiez X., Les formes de la violence, Paris, La découverte, 2008
David C.P., La guerre et la paix, Paris, Presses de science po, 2006
Derriennic J.P., Les guerres civiles, Paris, Presses de science po, 2001
Enzensberger H.M., Civil Wars : from LA to Bosnia, NY, NY Press, 1994
Kaldor M., New and Old Wars, Standford, Standford Univ. Press, 1999
Marchall R. et Messiant C., « de l’avidité des rebelles », Critique internationale, n°16, 2002
Munkler H., Les guerres nouvelles, Paris, Alvik, 2003
Sofsky W., Traité de la violence, Paris, Gallimard, 1998
Sommier I., Les mafias, paris, Montchrestien, 1998
Xavier Crettiez