article paru dans Les Cahiers de la sécurité intérieure, n°38, 2000.
Peut-on construire un modèle explicatif de la violence politique ? A partir de quand et comment une violence devient-elle terroriste ? Existe-t-il un ou des terrorismes ou, pour le dire autrement, peut-on amalgamer à travers une même grille interprétative des terrorismes idéologiques à vocation révolutionnaire (Brigades Rouges, Action Directe...), des organisations clandestines à vocation indépendantiste (le FLNC, ETA), des terrorismes transnationaux (le FPLP, le Djihad islamique) ou des organisations secrètes de contre-terrorisme (les GAL, l’OAS) ? L’impossible définition du terrorisme alimente des discours sans fin sur l’action violente clandestine, ses supports idéologiques, son origine historique, le caractère pathologique de ses exécutants... Elle oppose les savants comme les politiques dans ses deux formulations qu’elles soient scientifiques ou juste polémiques[1]. Le terme de terrorisme constitue bien souvent l’enjeu même du combat que se livrent les acteurs ; c’est pourquoi il acquiert un sens évolutif et continuellement sujet à discussion. Est-on patriote, nationaliste, résistant ou terroriste ? révolutionnaire, tiers-mondiste, militant ou terroriste ? Comme le souligne fort justement Michel Wieviorka, « la notion de terrorisme (...) permet de désigner celui qui inquiète ou cause des dommages. En un mot, si on est terroriste, c’est presque toujours sous le regard de l’autre »[2]. A travers le « négativisme social » assigné par la presse à la figure du terrorisme, le terme est devenu accusatoire, stigmatisant à la fois l’organisation clandestine qui agresse la société, et, le Moloch étatique qui écrase la « résistance populaire »[3]. Tant il est vrai que « nommer, c’est faire exister », la définition du terrorisme est intimement dépendante de la capacité des acteurs à peser sur les processus de désignation. Or, si le terrorisme dispute parfois à l’Etat le monopole de la violence, il lui est plus difficile de concurrencer sa capacité à imposer les cadres légitimes d’interprétation du monde social[4]. Il est dès lors contraint de subir une stigmatisation politique qui n’est pas sans effet, en retour, sur ses pratiques de lutte et l’intensité de la violence déployée.
Si le terme terrorisme, polémique et polysémique, est difficile à utiliser pour l’analyste, il n’en doit pas moins demeurer, du fait de sa généralisation parfois abusive, un vocable du champ scientifique sauf à prendre le risque de l’abandonner au seul jeu politique. Tout en pointant les usages sociaux dont il fait l’objet (stigmatisation, dénonciation) et les effets qu’il peut impliquer (bannissement, intériorisation du stigmate), le terme « terrorisme » n’en conserve pas moins une pertinence, si l’on substitue à la quête d’une définition stricte, la recherche d’une définition située et mouvante. Dès lors, si la discussion autour de la définition de l’acteur terroriste semble peu opérante tant le jugement de valeur l’emporte sur une analyse objectivante, il n’en va pas de même du cadre d’affrontement entre les différentes parties au conflit, définissant leurs relations, leurs oppositions, leurs ressemblances et la concurrence mutuelle qu’elles se livrent. La violence politique « terroriste », quelque soient ses motivations, ses pratiques ou ses objectifs, génère un ensemble structurant, véritable champ d’une lutte opaque, à l’intérieur duquel les clandestins, les pouvoirs publics et certains observateurs s’affrontent pour l’orientation du champ et sa qualification.
Cette approche est largement tributaire des observations analytiques de Didier Bigo et Daniel Hermant[5]. Il s’oppose à de nombreux modèles scientifiques du terrorisme insistant sur les caractéristiques propres de l’organisation ou des exécutants clandestins, ou privilégiant un regard macrosociologique sur les transformations sociétales génératrices de tensions. Souvent stimulants pour l’analyse d’un aspect de la violence politique à l’oeuvre, ces modèles ne rendent qu’imparfaitement compte d’un phénomène complexe qui ne se limite pas à une stratégie de lutte, une pathologie collective ou individuelle ou une rupture entre les clandestins et le mouvement social qui les a générés.
Présenter ces différentes approches devrait permettre de s’en éloigner au profit d’une acceptation critique du terme « terrorisme », perçu comme une configuration d’affrontement singulière, produisant inévitablement, par l’utilisation d’une violence indiscriminée, de semblables effets politiques.
1 - Le modèle stratégique
Il s’agit du modèle le plus répandu, principalement chez les policiers, journalistes, hommes politiques, magistrats et chez certains chercheurs. Le terrorisme se définit à travers le type de lutte clandestine qu’il met en oeuvre et les instruments militaires qu’il utilise. Finalement est terroriste le groupe minoritaire qui conteste par une violence intense la légitimité des gouvernants. Ainsi, pour Jean Servier, des individus ne sont « terroristes que s’ils se livrent à des actions d’intimidation contre la population civile afin de faire pression sur un gouvernement pour arriver à leur fins »[6]. Cette définition est également celle des milieux policiers ou militaires préoccupés par la menace terroriste. Ainsi, pour le FBI américain, « le terrorisme se définit par l’utilisation illégale de la force ou de la violence contre des personnes ou des biens pour intimider ou forcer un gouvernement, une population civile (...) à la réalisation d’objectifs politiques ou sociaux »[7]. Le triptyque : action violente, cibles civiles et pression politique définit donc l’activité terroriste.
Selon ce schéma, opératoire pour certains terrorismes mais insuffisant pour mettre en relief le polymorphisme des violences politiques clandestines, le sens de l’action violente et sa qualification de terroriste doivent être interprétés au regard du répertoire d’action mis en oeuvre. D’une certaine façon, c’est l’attentat qui constitue l’essence du terrorisme. Vivement critiqué par certains analystes pour qui « le terrorisme n’est pas contenu dans l’attentat comme l’explosif dans l’explosion »[8], ce modèle a cependant le grand mérite d’encourager le chercheur à un fastidieux, mais nécessaire, travail d’analyse sur les modalités opératoires des groupes violents (type d’armes utilisées, type de cibles, pratiques de lutte...). Souvent sous-estimé - ou dédaigné - par les universitaires, ce travail « policier » donne partiellement sens à l’action violente des clandestins et permet de mesurer le degré d’enracinement social de la lutte entreprise[9]. Mesurant ainsi le niveau de violence politique, Alex Schmid et Albert Jongman définissent le terrorisme comme étant « en premier lieu un extrémisme de moyen et non de fin »[10].
Ce modèle ne saurait pour autant être suffisant et présente le risque d’engendrer une illusion pragmatique, c’est-à-dire d’interpréter l’action violente au regard de son mode d’expression, sans tenir compte de l’environnement politique et culturel, idéologique et interactionnel à l’intérieur duquel évolue l’organisation clandestine. De plus, en ne mesurant l’action terroriste qu’à l’aune du type de moyen utilisé, le risque de confusion entre violence politique et violence sociale (banditisme) est grand. Même si la frontière entre les deux est sans doute parfois poreuse, l’assimilation, en ce qu’elle implique des réponses en terme de politique publique, est dangereuse. Ce travers est perceptible dans certains écrits sur les violences urbaines en banlieue, réunissant les plumes d’un « entrepreneur » de la sécurité et d’un journaliste au fait de l’actualité islamiste en Algérie[11].
La deuxième variable du modèle stratégique consiste à prendre en compte le type de population visé par l’acte violent. L’objet de l’analyse, qui nous paraît primordiale, est ici de distinguer entre les cibles humaines et matérielles, politiques ou militaires et civiles. L’opposition entre le FLNC, s’attaquant aux biens matériels et ayant refusé pendant longtemps toute atteinte aux vies humaines, et l’IRA, peu soucieuse d’épargner les victimes, permet de distinguer, sur un nécessaire plan éthique, des violences politiques plus ou moins terroristes. Cependant le caractère humain ou non, politique ou civil, de la cible ne suffit pas à désigner l’action terroriste au risque d’amalgamer banditisme, maffia, opération de guerre et terrorisme. Le modèle stratégique, en cernant l’analyse autour de l’opposition civils/militaires, ignore les motivations des acteurs de la violence et insère dans l’analyse un point de vue moral trop insistant. Il peut également en arriver à des conclusions absurdes considérant que « tuer un soldat armé dans une occupation militaire n’est pas du terrorisme alors que l’est le bombardement de la direction civile qui a ordonné l’occupation »[12]. Nous rejoignons donc Annie Kriegel pour qui une distinction doit être faite entre l’adversaire et l’ennemi[13]. Le groupe violent se constituant en opposition à un adversaire qu’il convient de combattre. Nous émettons l’hypothèse que la violence se fait terroriste lorsque l’adversaire désigné par l’organisation (la police, l’armée, les symboles d’Etat...) est remplacé, dans la pratique des attentats, par une cible différente, souvent plus facile à atteindre. En changeant d’adversaire, l’action armée perd son sens initial et devient rapidement terroriste en générant une menace à la fois imprévisible, indiscriminée et toujours dirigée, in fine, contre l’Etat. Une des tâches privilégiée de l’analyste consiste donc à établir clairement quel est l’adversaire du groupe violent qu’il étudie. Là encore, le seul modèle policier, en ne prenant pas en compte l’étude des parties au « champ d’affrontement », ne permet pas de comprendre le sens de la violence politique mise en oeuvre.
Enfin, le caractère politique des objectifs ciblés par les clandestins, troisième élément du modèle, est trop imprécis pour offrir une définition satisfaisante du terrorisme[14]. D’une part, l’utilisation de la violence pour satisfaire des fins politiques n’est pas propre à une violence de type terroriste. La guerre ou la rébellion ont également comme objectif la réalisation d’exigences politiques. D’autre part, un préjugé moral est perceptible dans la définition même du caractère politique du terrorisme opposant sans questionnement un Etat de droit à des groupuscules minoritaires. C’est ainsi que pour définir le terrorisme idéologique d’extrême gauche, Gérard Chaliand parle de « sectes politiques à vocation révolutionnaire » trahissant un jugement de valeur[15]. De même, Jean Servier, dans sa présentation des terrorismes contemporains, parle t-il presque exclusivement des organisations clandestines d’extrême gauche, ce « terrorisme intellectuel qui sert à créer une philosophie du monde et de la vie pour le plus grand nombre »[16]. Ce faisant, il oppose incidemment les légitimes revendications politiques de l’Etat de droit, aux ambitions utopiques d’un terrorisme révolutionnaire. En ne retenant, en fin de compte, que le caractère politique de l’action, ce modèle a pu aboutir à l’élaboration de conceptions « idéologiques » analysant la violence terroriste comme l’aboutissement d’un complot anti-démocrate orchestré par Moscou. Les ouvrages désormais classiques de Walter Laqueur, de Claire Sterling ou d’Edouard Sablier procèdent de cette même logique d’une « internationale terroriste » aux prémisses idéologiques fort éloignées de la réalité[17]. Totalement opposée dans ses conclusions mais identique quant à sa perception de la violence, une interprétation « idéologique » d’extrême gauche mettra en avant le terrorisme d’Etat opposé aux revendications minoritaires séparatistes ou révolutionnaires[18]. Enfin, plus récente, la thèse de « l’internationale verte », regroupant l’ensemble des terrorismes islamistes, participe de cette même version, fort contestable, d’une mouvance politique homogène[19]. En mêlant la peur de la violence imprévisible du terrorisme à la crainte d’une « invasion » des populations migrantes du sud, cette thèse séduit par sa simplicité et sert des politiques publiques protectionnistes et démagogiques. Elle représente également un nouveau terrain « commercial » pour un journalisme de sensation en mal d’adversaire[20].
Face à ce modèle, dont on perçoit les limites mais aussi les apports pratiques (prise en compte de la réalité matérielle de la violence), on peut opposer un modèle plus abouti, tout entier tourné vers une analyse de l’organisation clandestine, indépendamment de son environnement politique ou culturel et de sa propre évolution organisationnelle.
2 - Les modèles de l’inversion terroriste
Il s’agit en premier lieu du modèle d’analyse proposé par Michel Wieviorka dans son ouvrage Sociétés et Terrorisme[21]. A la base de sa thèse, la notion d’inversion permet de comprendre le passage d’une violence politique légitime - c’est à dire enracinée dans un mouvement social ayant donné naissance au groupe clandestin - à une logique d’action terroriste caractérisée par la négation des principes qui, initialement, animaient les luttes entreprises. Pour Michel Wieviorka, la violence terroriste est l’expression d’une « perte de sens (qui) passe par des mécanismes dans lesquels la distance se creuse entre le protagoniste de la violence, en tant que gestionnaire auto-proclamé des significations des luttes sociales et politiques, et ces luttes »[22]. Pour cet auteur, la violence politique ne serait donc en aucun cas l’aboutissement d’une politique idéologique, mais au contraire sa négation. Cette « désidéologisation » de la violence enferme l’étude du terrorisme dans le cadre des rapports entre mouvement social et organisation clandestine, sans prendre en compte les déterminismes culturels, politiques et intellectuels du groupe violent[23]. A l’inverse d’une vision qui mettrait en relation le niveau de violence politique à l’oeuvre dans les différentes organisations et les autorisations et justifications idéologiques que les acteurs peuvent mobiliser, ce modèle affirme que c’est justement la perte des repères idéologiques qui conduit le groupe clandestin au terrorisme. Focaliser l’analyse sur la seule organisation clandestine semble insuffisant pour percevoir les spécificités de chaque groupe violent, le sens assigné à la violence et déterminer le passage au terrorisme. Certes, le modèle de l’inversion, en liant groupe terroriste et mouvement social, élargit la vision du modèle policier uniquement orienté sur la stratégie des acteurs violents. Cependant, en faisant de la notion d’inversion, la pierre angulaire de son raisonnement, Michel Wieviorka pêche sans doute par réductionnisme en privilégiant seulement la perspective de recherche orientée autour du lien de distanciation - parfois difficilement perceptible - entre mouvement social et groupuscule violent.
Une analyse féconde, à caractère micro-sociologique, doit s’intéresser aux mécanismes de fonctionnement interne de la dynamique clandestine. Une étude détaillée du type de violence pratiquée, à travers une lecture des attentats, de la structure interne des groupes de combat, et une sociologie militante, offrent à l’analyse un regard éclairé sur le fonctionnement de l’organisation, indispensable pour comprendre l’évolution de la violence clandestine. Ce constat permet, ainsi, de mesurer l’écart entre l’intensité de la violence perceptible dans différentes ères géographiques. L’apparition, dans le répertoire d’action d’ETA, des voitures piégées - en rendant les opérations commandos plus sûres pour les etarras et plus meurtrière pour la population civile - a considérablement transformé le niveau de violence, sa signification politique et son acceptation par le peuple basque. De la même façon, les rapports de force internes à l’organisation clandestine et les effets de la clandestinité - difficilement mesurables - ne doivent pas être sous-estimés pour comprendre l’orientation de la violence politique. Ainsi, en Corse, l’autonomie territoriale progressive de l’action armée a inévitablement conduit à un éclatement des centres de décision, politiques, militaires et financiers, qui n’a pas été sans effets sur la brutale augmentation du niveau de violence au début des années quatre-vingt dix. En confiant à la seule notion d’inversion, mécanisme de distanciation entre un conflit-référence (ou mouvement social) et les luttes des acteurs, la quête d’un sens de la violence politique, le modèle en arrive à formuler des affirmations difficilement acceptables. C’est ainsi que, un an après les massacres de passants perpétrés par ETA à Barcelone (Supermarché Hipercore) et à Saragosse, Michel Wieviorka déclare : « La violence d’ETA, dans l’ensemble, n’est pas sociologiquement terroriste » puisque la lutte armée, « liée à la face radicale des contestations populaires (...) n’est pas entièrement déconnectée des lieux de sens dont elle se proclame l’expression »[24]. Même s’il convient de ne pas réduire l’analyse de Michel Wieviorka - originale et novatrice - à ce type de formulation, on mesure l’écart entre le modèle stratégique aux visions parfois policières, centrées sur l’organisation, et le modèle sociologique d’inspiration tourainienne privilégiant l’action conflictuelle entre mouvements sociaux et en leur sein[25].
Par ailleurs, si le modèle de Michel Wieviorka élargit l’analyse policière, il ne prend qu’imparfaitement en compte les variables macro-sociologiques que sont le type d’Etat en prise avec la violence terroriste (unitaire, décentralisé, fédéral, autonomique), le modèle législatif utilisé, les corps militaires ou policiers engagés dans l’action anti-terroriste, et, à travers l’Union Européenne, les effets politiques d’une entité transnationale en construction. Là encore, particulièrement en ce qui concerne les terrorismes à vocation nationaliste ou religieux où la référence à un mouvement social est moins pertinente que dans le cadre des terrorismes idéologiques, la seule notion d’inversion ne saurait distinguer le terrorisme des autres formes de violence. Comme le souligne de façon tranchée, Daniel Hermant : « La boussole utilisée par Michel Wieviorka est calée sur une opposition terrorisme/non terrorisme, négatif/positif, qui remplace l’analyse sociologique par une casuistique du sens »[26].
Stimulant, le modèle de l’inversion offre un éclairage intéressant sur une facette de la violence politique. Mais en voulant isoler une variable explicative, seule à même de définir qui est terroriste et qui ne l’est pas, au delà de toute prise en compte des pratiques, le modèle se heurte à une réalité sociale plurielle dont il offre une vision trop réductrice.
Dans une perspective très différente qui introduit une approche constructiviste là où la matérialité des actes est considérée comme un simple « donné en soi », Didier Bigo propose un regard qui pourra paraître surprenant sur la réalité terroriste[27]. L’inversion est ici plus fondamentale puisqu’il s’agit de définir le terrorisme, non pas à travers l’action violente, la dynamique conflictuelle ou le discours révolutionnaire, mais en prenant en compte les logiques bureaucratiques policières de construction d’une menace diffuse. La logique d’interprétation de la violence politique est inversée : ce n’est plus le groupe terroriste qui fait violence, mais les polices et législations étatiques qui « inventent », en le nommant, l’adversaire terroriste : « Paradoxalement, écrit l’auteur, l’unité de la labellisation terroriste ne tient pas aux formes de la violence qu’elle décrirait mais à la collaboration antiterroriste des Etats occidentaux »[28]. Conscient du caractère hautement polysémique de la catégorie de « terroriste », à la fois enjeu de stigmatisation et moyen d’affirmation, Didier Bigo rejette toute définition pratique et matérielle du terrorisme[29]. Plus encore celui-ci devient, selon l’auteur, une « labellisation administrative lestée d’un poids judiciaire lorsqu’elle apparaît comme incrimination dans les différents codes pénaux »[30].
Didier Bigo a sans doute raison de souligner les logiques lourdes, politiques et administratives, qui, à l’image de toutes les dénominations labellisables, construisent le phénomène qu’elles décrivent, en même temps qu’elles le décrivent. Pourtant, au delà de ce mécanisme d’assignation de sens, le terrorisme est aussi violence matérielle, meurtre, enlèvement, angoisse et peur. Il agit visiblement à l’encontre de civils ou de militaires, de simples passants ou de personnalités politiques, de villas isolées ou de cibles humaines. Cette réalité pratique de la violence ne peut être méconnue à la fois d’un point de vue éthique et scientifique. De même, son origine historique et son imbrication régionale dépassent largement la simple logique administrative de construction de la menace. Une telle vision, déshumanisante à l’excès, ne peut que surprendre en ôtant à l’analyse du terrorisme ce qui en constitue l’essence : la terreur suscitée par une violence imprévisible[31].
En isolant un vecteur unique d’explication de la logique terroriste (perte de sens ou construction de sens), les modèles de l’inversion pêchent par réductionnisme. Ils s’éloignent du travail du sociologue qui doit « objectiver » les labels terroristes en étudiant les modalités de la violence, ses formes, ses systèmes de légitimations et la configuration des acteurs régionaux et nationaux qui s’y associent ou s’y opposent.
3 - Le modèle psychologique
L’angoisse que fait naître le terrorisme parmi le public et les politiques[32] a poussé nombres d’études à essayer d’expliquer ce phénomène de déviance sociale comme le résultat de pathologies psychiquement déviantes. La difficulté d’analyse de l’acte terroriste, réduit à une expression pathologique, s’en trouve dès lors allégée puisqu’il ne s’agit plus de comprendre un ensemble de processus d’action collective mais de cerner la personnalité terroriste. L’exercice est doublement valorisé : tout d’abord, il substitue à une analyse difficile faisant intervenir de multiples paramètres (économiques, sociaux, culturels, historiques, identitaires...), une interprétation causale et directe de la violence politique. Ensuite, et surtout, le modèle psychologique est plus gratifiant pour le chercheur puisqu’il offre au lecteur profane une réponse claire et simpliste à ses angoissantes interrogations. A l’acte soudain et brutal qu’est le terrorisme correspond une explication sans appel : l’acte terroriste est le produit de fous dangereux. Corollaire rassurant de cette interprétation : il suffit d’enfermer ces psychopathes pour que cesse la menace[33].
On peut aisément faire remonter les origines du modèle psychologique, aux interprétations en termes de psychologie collective chères à Gustave Le Bon ou Gabriel Tarde. Les terroristes, comme les foules, sont asociaux, fous et criminels. Les trois vecteurs criminogènes qui caractérisent, pour Le Bon, les foules hostiles : le nombre (créant l’irresponsabilité), la contagion (suscitant un intérêt collectif supérieur aux intérêts individuels) et la suggestion (générant un état hypnotique), sont, selon ce modèle, les caractéristiques premières des groupes violents[34]. La distinction opérée par Jean Servier dans son « Essai d’une sociopsychologie du terrorisme européen » entre « l’incitateur » et « l’agent d’exécution » ne parait guère éloignée de ce type d’approche[35]. Ces visions ont en commun d’introduire dans l’analyse de la violence un ensemble de données psychopathologiques comme facteur causal, « malheureusement - comme le souligne Madeleine Grawitz - au détriment de l’influence de l’interaction entre institutions et processus politiques sur les réactions psychologiques »[36]. La célèbre étude d’Adorno sur la « personnalité autoritaire », novatrice puisqu’elle s’efforce de mettre en avant les facteurs psychologiques individuels sur les facteurs économiques et sociaux, participe également de cette entreprise de recherche d’un « syndrome » individuel - qui trouverait son origine dans la prime enfance et l’éducation - offrant un terrain favorable à l’autoritarisme, au rejet de la démocratie ou, peut-on extrapoler, au radicalisme violent[37].
Plus directement orienté sur le terrorisme, Friedrich Hacker, dans une remarquable étude, n’évite pas cependant « les périls du psychologisme » qui conduisent « à considérer les éléments d’ordre psychologique comme des facteurs premiers, des données primordiales sur quoi se fonde la vie collective »[38]. Tout en prenant soin de souligner l’importance structurale de l’organisation dans les déterminismes psychologiques assignés à l’individu, l’analyste allemand développe le portrait type du « terroriste érostratique » en référence à Erostrate, incendiant, en 356 avant Jésus-Christ, l’Artémision d’Ephèse pour se rendre immortel : « Des personnes, la plupart du temps complexées, privées de succès et éternellement frustrées, ne résistent pas à la tentation d’associer pour toujours leur nom inconnu à celui d’une éminente personnalité ou d’un événement inoubliable »[39]. Si cette typologie peut s’avérer pertinente - cela resterait à démontrer - en ce qui concerne les actes terroristes individuels (anarchistes du dix-neuvième siècle ou preneur d’otages isolé[40]), elle est extrêmement discutable rapportée à la violence politique pratiquée par des organisations structurées et hautement politisées, soucieuse de leur sécurité[41]. Cité par Hacker, une étude du Aberrant Behavior Center dirigée par M. Hubbard, s’attache à établir une « psychologie du pirate de l’air » à partir d’une analyse comportementale portant sur cinquante pirates arrêtés par les services de police américains. Sans que l’on sache précisément si ces individus appartiennent à des organisations clandestines à vocation politique ou s’il s’agit de « déséquilibrés » agissant à titre individuel, les résultats formulés par Hubbard frisent parfois la naïveté. La majorité des cas étudiés souffrirait de schizophrénie paranoïde alors que les autres « ont des personnalités profondément perturbées présentant des traits dépressifs paranoïdes et une forte tendance au suicide ». Enfin, selon Hubbard, « les pirates de l’air sont souvent issus, ce qui est typique, d’une famille peu nombreuse, ont un père brutal et fréquemment alcoolique et une mère hypocrite, frigide, faisant souvent preuve de fanatisme religieux »[42].
Nombreuses sont les études contemporaines sur le terrorisme à soulever, souvent maladroitement, l’idée d’un syndrome pathogène propre aux acteurs violents. James Poland, qui limite son analyse au terrorisme transnational, parle ainsi de « terroriste pathologique qui peut être motivé par l’avidité, la passion, le plaisir, la douleur ou quelque aberration psychologique indéfinie », avant d’amalgamer - pour les besoins de la démonstration ? - la violence politique terroriste aux déviances criminelles des tueurs en série[43]. De la même façon, et sous un angle volontairement plus spectaculaire, Xavier Raufer nous explique que « le terroriste archétype se matérialise le plus souvent sous la forme soit de l’intellectuel frustré soit du militaire frustré »[44].
Séduisant par sa limpidité, ce type d’analyse n’est guère convaincant. L’exercice consistant à mettre sur un même plan les différentes formes de violence politique terroriste, idéologique, révolutionnaire, nationaliste ou transnationale, à travers un seul outil interprétatif mal défini, ne permet nullement de comprendre les processus complexes à travers lesquels se construit l’action terroriste.
Pour autant, doit-on exclure de la réflexion toute approche psychologique par nature difficile à traiter[45] ? Peut-on raisonnablement penser que l’étude de la violence politique sous toutes ses formes, faisant intervenir l’émotivité, la colère et suscitant la fascination ou l’effroi, puisse se passer d’une approche en terme de psychologie politique ?[46]. L’utilisation de la théorie de la « frustration relative » chez Ted Gurr ou James Davies, montre au contraire l’importance accordée aux facteurs psychosociologiques dans l’émergence de la violence politique[47]. Fort justement Michel Wieviorka reconnaît l’importance de ce type d’approche et souligne qu’ « en insistant, même artificiellement, sur l’idée d’une personnalité terroriste ou d’une culture qui la fonde, on désigne un problème juste auquel on apporte une réponse non satisfaisante »[48]. Madeleine Grawitz, tout en mettant l’accent sur l’importance du psychisme individuel dans la compréhension des conflits politiques, souligne la nécessité de prendre en compte les interactions physiques et psychologiques entre les protagonistes et le rôle structurant de l’organisation, développant ses propres déterminismes psychologiques[49]. Michel Wieviorka insiste ainsi sur les effets de la clandestinité qui modifient profondément le regard des acteurs violents et influencent leurs pratiques : « La vie en petits groupes, l’enfermement idéologique, la subordination prolongée à des forces politiques ou à un Etat, la médiatisation qui magnifie l’acteur (...) façonnent la personnalité » du clandestin[50].
Cette approche, plus organisationnelle et moins orientée sur la seule psychologie de l’acteur, nous semble tout à fait pertinente pour saisir les mécanismes d’émergence de l’action terroriste. C’est ainsi qu’Antoine Liniers, ancien dirigeant de la Gauche Prolétarienne, explique, a contrario, la non-survenance d’un terrorisme d’extrême gauche en France par l’association de multiples facteurs idéologiques ou politiques (refus d’une pensée organisationnelle, dépréciation de l’intellectuel révolutionnaire, confiance dans les masses) et psychologisants à travers l’image paternelle « ambiguë et déroutante » du pouvoir gaulliste, doublement légitimé par l’anti-fascisme et la décolonisation[51]. Comme le remarque Philippe Braud en ce qui concerne la vie politique dans les démocratie occidentales : « La recherche des dimensions émotionnelles de l’efficacité politique ne s’inscrit nullement dans la perspective d’une psychologie de l’acteur, mais dans celle - toute différente - d’une psychologie de la situation » entendue comme « l’observation d’individus entrant, avec d’autres individus, dans des séries déterminées d’interactions, organisées autour d’enjeux déterminés par des règles »[52]. Il n’est donc pas question d’ignorer les variables psychologiques mais bien au contraire d’observer leur influence sur le groupe violent (dont la nature clandestine n’est évidemment pas sans effets sur le fonctionnement pratique) et dans l’interaction avec les pouvoirs publics et les media. A ce titre, loin d’être considéré comme l’expression radicale d’une pathologie, le terrorisme doit être compris comme un instrument politique destiné à provoquer, rationnellement, une peur irrationnelle. Ce « laboratoire de la peur » qu’est la logique sociale du terrorisme est alors susceptible d’attirer certaines personnalités pathologiques séduites par la promesse d’une vie aventureuse et l’accès légitimé aux instruments de la violence[53]. Mais la réflexion en terme de psychopathologie individuelle ne doit pas être déconnectée de la logique d’action terroriste qui offre aux individus les moyens d’expression de leurs déviances. C’est avant tout la force structurante de l’organisation clandestine, principalement en ce qui concerne les mouvements fortement cloisonnés et hiérarchisés, qui renforce les symptômes pathogènes plus qu’elle n’en procède.
4 - Le modèle rupturiste
D’inspiration néo-marxiste, ce modèle d’analyse, plus général, s’attache à mettre en avant les ruptures historiques et économiques qui marquent le passage d’un type de société à un autre. La violence apparaît lors des étapes de transition et s’articule autour du changement social. Ce peut être le désir de participation de certains acteurs marginalisés par le progrès économique qui motive le passage à la violence. C’est principalement l’optique de David Apter pour qui « la violence est le résultat de la contradiction entre innovation et marginalisation »[54]. La violence politique serait l’expression des dépossédés de la croissance économique et de la modernité qui désireraient imposer une contre-légitimité opposée à celle de l’Etat rationnel. C’est, nous dit Apter, le cas des mouvements revivalistes « constituant une organisation naturelle, spontanée, du sens commun » qui, en se combinant avec la marginalisation, veulent retrouver, par la violence, l’identité originelle, le patrimoine perdu et dépassé par la modernité[55]. Pour parvenir à leur idéal, les mouvements terroristes et, plus particulièrement, les terrorismes à vocation nationaliste doivent produire un discours de déconstruction (inversionary discourse) c’est à dire un discours capable de menacer les normes et les structures du pouvoir en « proclamant l’émancipation comme un projet moral » face au rationalisme politique de l’Etat[56]. Les actes terroristes « constituent un anti-programme dont l’objectif est de défier ou de supplanter la légitimité, de discréditer les règles du jeu, de « déconstruire » cette « structuration » évolutive qui exprime la rationalité fonctionnelle de la vie ordinaire »[57]. Il s’agit à la fois de mouvements prémodernes, recherchant dans la religion ou la race une légitimité, et postmodernes puisque remettant en cause les valeurs humanistes occidentales. On peut résumer le schémas d’Apter comme suit :
Innovation et progrès économique ---> marginalisation d’une catégorie de la population ---> prédispose à la violence ---> sous certaines conditions (historiques, culturelles, formalisation par les intellectuels) devient violence ---> création d’un contre-discours deconstructeur de la modernité économique (inversionary discourse) ---> légitime la violence et l’entretien.
En mettant au coeur de son analyse la marginalisation d’un groupe social, le modèle rupturiste souligne la fonction instrumentale de la violence politique et met l’accent sur la nécessaire prise en compte des théories de la mobilisation des ressources. Selon David Apter, « le terrorisme a toujours pour objectif la repossession de soi-même et de la société par ceux qui n’ont d’autres alternatives »[58]. Loin d’être la seule expression d’une frustration, d’un mécontentement colérique ou le fruit de personnalités dérangées, la violence terroriste peut s’apparenter à un calcul politique sur le mode coûts/avantages, destiné à assurer aux exclus (de la croissance, de la participation politique...) une représentation sur le champ politique national ou l’obtention d’avantages économiques. Cette prise en compte d’une instrumentalisation de la violence par les acteurs, souvent sous-estimée par les analystes du terrorisme[59], est particulièrement pertinente dans le cadre de certaines violences politiques, pourtant en apparence les moins rationnelles[60]. Elle l’est plus encore dans le cadre d’une violence de faible intensité visant, comme c’est le cas pour l’action du FLNC, à désintégrer un modèle politique dominant incarné par le clan et à obtenir, au travers du nationalisme violent, une juste représentation politique et économique[61].
Le modèle rupturiste s’avère indispensable à une bonne compréhension des phénomènes de violence politique. Pour autant, son caractère généraliste, applicable à toutes les formes de violence politique le rend trop peu précis pour donner du sens à chaque modalité particulière de violence terroriste. Michel Wieviorka a raison d’affirmer que « l’analyse instrumentale du phénomène terroriste, utile s’il s’agit d’en préciser certains aspects, se révèle inadéquate s’il s’agit d’aller à l’essentiel »[62].
Là encore, l’hétéromorphie des violences politiques terroristes, la variété des acteurs engagés dans la lutte contre les clandestins, l’importance du cadre institutionnel de la protestation, le rôle des média, la structuration différente des organisations, autant de facteurs qui rendent difficile un modèle unique d’interprétation de la violence. A chaque violence protestataire, nationaliste, révolutionnaire ou transnationale, correspond une configuration particulière de l’action terroriste, donnant sens à la violence comprise comme le résultat des interactions au sein d’un champ de lutte.
5 - Le modèle de la « configuration d’affrontement »
Ce modèle refuse une lecture univoque de la violence politique à travers laquelle une cause déterminée produirait les effets étudiés. En privilégiant une analyse en terme de configuration, on prend en compte l’ensemble des parties au champ de lutte en insistant sur leurs interactions, leurs relations conflictuelles mais parfois également coopératives, productrices de règles du « jeu » structurant les actions des uns et des autres et donnant sens à la violence clandestine. Les mises en scène symboliques des acteurs, le conflit de légitimité entre rebelles et pouvoirs publics, la représentation de la violence par les media ainsi que les répertoires d’action utilisés par les organisations radicales ne sont pas des données immuables, résultant uniquement de décisions personnelles ou d’influences culturelles, mais le fruit des rapports évolutifs qui se forgent dans l’échange de coups. Pour le dire autrement, la violence politique, plus qu’elle ne résulte d’un état de fait historique, économique, culturel ou politique, procède de la configuration d’affrontement en même temps qu’elle l’oriente[63].
« Le chaos absolu n’existe pas » affirme Elias pour qui tout conflit est structuré et ne saurait se réduire « à l’émanation de la méchanceté personnelle (ou à) la conséquence de l’idéalisme propre à (des) groupes »[64]. La violence est à la fois le résultat de cette construction belliqueuse et le point de départ d’un mécanisme d’opposition qui commande l’attitude des acteurs policiers et politiques et fonde l’orientation interne de l’organisation terroriste, son mode de financement, son rapport à l’extérieur...
Dès lors, l’objet de l’analyste est de repérer, dans chaque conflit, le type d’acteurs en présence, leurs poids respectifs dans la configuration, leurs interactions, les enjeux déterminant la lutte et le niveau d’intégration fonctionnelle des organisations clandestines.
La difficulté réside alors dans l’articulation de ces diverses variables qui forment la configuration d’ensemble. On distinguera aisément trois niveaux d’analyse faisant intervenir différents acteurs. Un premier niveau, micro-sociologique, s’attache à mettre en lumière les processus de formation des organisations clandestines. Il s’agit de prendre en compte les différents courants internes à la clandestinité et les modalités pratiques de construction de l’Organisation. Un deuxième niveau, plus général, introduit la dimension locale de la contestation en faisant intervenir les acteurs politiques régionaux directement confrontés au terrorisme. Leur attitude à l’encontre des radicaux commande l’orientation du champ politique local et renforce, ou au contraire affaiblit, les dispositions à la violence. Enfin, un troisième niveau, macro-sociologique, présente le face-à-face entre l’organisation rebelle et les administrations d’Etat chargées de la répression et de la gestion politique et judiciaire des menaces. La prise en compte de toutes ces variables dessine des configurations d’affrontement singulières qui éclairent l’observateur sur le sens de la pratique violente terroriste.
S’il nous semble impossible de parler d’un « genre terroriste », il serait absurde de refuser toute tentative d’élaboration conceptuelle visant à mettre en avant les ressemblances et dissemblances au sein d’un même type apparent de contestation violente. Le travail du sociologue n’est-il pas de « ne prendre pour objet de recherche qu’un groupe de phénomènes préalablement définis par certains caractères extérieurs qui leur sont communs » pour en comprendre les logiques de fonctionnement à travers l’observation des pratiques ?[65].
Ainsi, si l’idée d’un genre terroriste est contestée par de nombreux analystes (Isabelle Sommier ou Didier Bigo), ne demeure pas moins une « geste terroriste » dont les corps suppliciés conservent l’emprunte. Accepter la pertinence de l’analyse matérielle de cette geste ne signifie pas pour autant essentialiser et dès lors figer un terme - terrorisme - dont la labellisation est, on le sait, un enjeu de la configuration d’affrontement. A la variabilité de la qualification ne doit pas répondre l’abdication conceptuelle. Encore convient-il de définir la singularité de l’acte terroriste au regard de la variété des agissements violents. C’est seulement à travers le fil de l’action que la pelote conceptuelle peut se dérouler.
Raymond Aron a eu une formidable intuition en définissant le terrorisme par la peur qu’il engendre, comme étant un acte dont les effets psychologiques sont hors de proportion avec ses effets physiques. L’essence du terrorisme serait donc dans l’acte d’effroi, menaçant les résistances psychiques bien plus que les corps. Il se distingue en cela des guerres ou même de la guérilla qui se servent de la peur comme d’un instrument mais nullement comme d’une fin, comprise, celle-ci, comme l’anéantissement des corps ennemis. Si le terrorisme repose sur l’effroi c’est avant tout qu’il opère à l’aveugle, usant de moyens de mort indiscriminés, touchant en tous lieux et en tous temps, tous types de population. C’est donc bien l’acte qui fait le terrorisme, mais un acte particulier, qui a comme singularité de refuser la perméabilité entre les espaces privés et publics que la bombe ou la fusillade réunit. Dans le sang versé se mêlent les culpabilités imposées par le terrorisme : il n’est plus de civils innocents ou de militaires ennemis, plus de politiques à combattre ou de passants insouciants. L’acte terroriste a prétention à unifier dans l’affront l’Etat honni et sa population ; il agit sur les civils, compris comme des complices, pour mieux combattre la puissance publique. Car derrière l’action indiscriminée, c’est évidemment et systématiquement l’Etat qui est attaqué, incapable à la fois d’assurer la protection qu’il doit à ses administrés, incapable également de maintenir cette distinction entre le privé et le public, fondement historique de sa légitimité. Le terrorisme est en cela toujours un acte contre l’Etat, même - ou surtout - lorsqu’il s’agit d’un terrorisme d’Etat[66].
L’acte et la cible sont donc deux critères constitutifs du terrorisme. Mais ils ne le définissent que dans la mesure où ils contribuent à orienter la configuration d’affrontement entre les diverses parties (clandestins, pouvoirs publics, acteurs locaux, media, opinion publique) vers une complète similarité d’attitude. On est là au cœur du processus terroriste : produire par une violence singulière du mimétisme entre les acteurs. Portant leur effort sur un même objet de désir, la légitimité populaire et l’abolition de l’autre, adversaire, les belligérants finissent par adopter un mode d’action spéculaire. L’Etat se métamorphose alors rapidement en un double monstrueux du protagoniste terroriste qu’il cherche à abattre[67]. Lois d’exception, contre-guérilla aux limites de la légalité, confusion de l’Etat de droit avec le droit de l’Etat, propagande noire ou armement de milices, autant de modes d’opération qui, en produisant de la répression, violent dans le même temps les principes démocratiques qu’il s’agissait de sauvegarder. En Algérie, Irlande, Pays Basque, Kurdistan, ou plus récemment en Tchétchénie, le terrorisme suscite partout une même dynamique qui le caractérise.
On dira dès lors qu’une configuration d’affrontement est terroriste lorsque est privilégié l’utilisation d’actes et de moyens de violence indiscriminés, dont l’objectif est toujours de délégitimer les fonctions de l’Etat en dévoilant son incapacité à protéger et/ou en suscitant du mimétisme entre les belligérants.
Tout en ayant connaissance des « processus qui concourent à l’apposition d’un label, vis-à-vis duquel il se doit de garder ses distances », le chercheur ne saurait abdiquer à construire un cadre conceptuel d’appréhension des phénomènes terroristes[68]. Gageons que le champ scientifique ne laissera pas aux seuls « entrepreneurs » de la violence spectaculaire le soin de parler des menaces terroristes.
Xavier Crettiez
Maître de Conférences en Science Politique
Université Paris II - CECP.
[1] - Thomas Badley, « Defining International Terrorism : a Pragmatic Approach », Terrorism and Political Violence, vol.10, n°1, 1998, p. 92.
[2] - Michel Wieviorka, Sociétés et terrorisme, Paris, Fayard, 1988, p. 15.
[3] - On pense à la scénarisation télévisuelle annonçant un reportage sur le terrorisme à l’aide d’un logo figurant une bombe ou un visage cagoulé. A l’inverse, la presse activiste soutenant les clandestins illustre le plus souvent le « terrorisme d’Etat » par la photo d’un membre des forces de l’ordre harnaché et menaçant faisant face à une foule ou un individu pacifique.
[4] - L’Etat conserve en effet cette puissance d’assignation sémantique, au delà même parfois de sa légitimité morale comme l’atteste cette déclaration du président Reagan, au moment même où ses services armaient les contras nicaraguayen en lutte contre le régime sandiniste : « Le terrorisme est un cancer s’attaquant aux sociétés civilisés et instillant la peur et le chaos partout. Cette barbarie est odieuse. Et tous ceux qui la supportent et l’encouragent sont odieux ce sont des barbares », Washington Post, 30 juin 1985.
[5] - Voir en particulier les deux articles méthodologiques d’analyse des terrorismes, « La relation terroriste I et II », Etudes Polémologiques, n° 30 et 31, 1984 ; « La relation terroriste : cadre sociologique pour une approche comparatiste », Etudes Polémologiques, n° 3, 1988 et « Terrorisme et antiterrorisme en France », Les Cahiers de la Sécurité Intérieure, IHESI, n° 1, avril-juin 1990.
[6] - Jean Servier, Le terrorisme, Presses Universitaires de France, QSJ, Paris, 1992, p. 5.
[7] - Définition du FBI de 1980 cité par Harvey Zeidenstein, « Defining Terrorism », Southeastern Political Review, vol 22, n°1, mars 1994, p. 22.
[8] - Selon l’expression un peu tranchée de Didier Bigo, « La relation terroriste I », Etudes Polémologiques, n° 30, 1984, p. 49. D’un point de vue plus juridique, le modèle stratégique est également celui utilisé par Eric David à travers sa distinction entre le terrorisme absolu et le terrorisme relatif selon la gravité de l’acte violent, « Le terrorisme en droit international » in Réflexions sur la définition et la répression du terrorisme, Actes du colloque 19-20 mars 1973, ed. Université libre de Bruxelles, 1974, p. 114-124.
[9] - Martha Crenshaw insiste à juste titre sur la prise en compte de cette analyse « organisationnelle », plus que jamais nécessaire à une époque où la sophistication de l’armement et des méthodes « publicitaires » des terroristes permet une lecture plurielle de la violence, Martha Crenshaw, « An Organizational Approach to the Analysis of Political Terrorism », XIII World Congress of the International Political Science Association, Paris, 15-20 juillet 1985.
[10] - Political Terrorism : A New Guide to Actors, Authors, Concepts, Data bases, Theories ans Literature, New Brunswick, Transaction Books, 1988, p. 14. Voir également la définition de Brian Jenkins pour qui « le terrorisme peut être objectivement défini par la qualité de l’acte » in « Defense Against Terrorism », Political Science Quaterly, n° 101, 1986, p. 779.
[11] - Alain Bauer et Xavier Rauffer, Les violences urbaines, paris, PUF, 1997.
[12] - Harvey Zedestein, op. cit, p. 20. Cette approche « par la cible » est courante dans la littérature américaine influencée par les départements d’Etat chargés de lutter contre la menace terroriste. Le United States Departement of State définit le terrorisme comme « une violence politique préméditée perpétrée contre des cibles civils (noncombatant) par des groupes infra-nationaux ou des agents clandestins, en vue d’influencer un public » in Patterns of Global Terrorism, Washington, Dpt of State publications, 1996, p. vi.
[13] - Annie Kriegel distingue le terrorisme qui frappe de façon aveugle et l’assassinat politique qui abat des adversaires désignés, Israël est-il coupable ?, Paris, Robert Laffont, 1982.
[14] - C’est là un des critères déterminants pour Paul Wilkinson, « Fighting the Hydra : Terrorism and the rule of law », Harvard International Review, n°7, juin 1985, p. 12.
[15] - Gérard Challiand, Terrorismes et Guérillas, Paris, éd. Complexe, 1988, p. 119.
[16] - Jean Servier, Le terrorisme, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, p. 7. La partie consacrée au terrorisme contemporain en Europe et au Japon ne concerne que les Terrorismes à Vocation Révolutionnaire, omettant le terrorisme irlandais ou basque. Cette attitude est caractéristique d’une certaine vision de la violence politique terroriste privilégiant la menace idéologique. En France, il ne fait aucun doute que les groupes terroristes les plus marquants sont Action Directe ou les groupes islamistes alors même que le GAL - expression d’un terrorisme d’Etat - était, jusqu’à une période récente, le plus meurtrier des groupuscules terroristes agissant sur le sol français.
[17] - Walter Laqueur, Le Terrorisme, Paris, Presses Universitaire de France, 1979. Claire Sterling, Le réseau de la terreur, Paris, éd. Lattès, 1981 et Edouard Sablier, Le fil rouge, Paris, Plon, 1983. En dépit de ces allégations, l’écroulement du communisme à l’est n’a pas coïncidé, loin s’en faut, avec une remise en cause des mouvements nationalistes ou révolutionnaires en Europe.
[18] - Voir, à titre d’exemple l’ouvrage de Serge Quadruppani, L’anti-terrorisme en France, Paris, La découverte, 1989 ou, sur un mode plus nuancé, Michel Retiveau, La convention de terreur - terreurs légales et terrorismes dans les sociétés démocratiques, Paris, L’Harmattan, 1994.
[19] - Se reporter à la revue Commentaire, n° 66, été 1994, discutant les conclusions « culturalistes » de Samuel Hunttington dans son Clash of Civilizations, particulièrement Giuseppe Sacco, « Appel aux armes ? », p. 271.
[20] - Ainsi du mythe des « réseaux terroristes » (terrorist networks) anti-américains : Joseph Bartelemy, Target America, New York, SPI Books, 1993. Sur un modèle comparable voir la revue de Xavier Raufer, Criminalité internationale.
[21] - Michel Wieviorka, Sociétés et Terrorisme, Paris, Fayard, 1989. Pour une présentation critique percutante de la thèse de Wieviorka, se reporter à Daniel Hermant, Le terrorisme en Europe à l’horizon 1992, Paris, FNSP/CERI, rapport pour l’Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure, juin 1992, p. 2-5.
[22] - Michel Wieviorka, « Un outil pour l’analyse de la violence politique : la notion d’inversion », Etudes Polémologiques, n° 37, premier trimestre 1986, p. 197.
[23] - Cette analyse s’inscrit en faux contre des perspectives plus philosophiques liant la violence politique à une histoire intellectuelle et doctrinale. Voir la contribution de Philippe Raynaud, « Les origines intellectuelles du terrorisme » in François Furet, Antoine Liniers et Philippe Raynaud, Terrorisme et démocratie, Paris, Fayard, 1985, p. 35 et s.
[24] - Michel Wieviorka, Sociétés et Terrorisme, Paris, Fayard, 1988, p. 347.
[25] - Pour Alain Touraine, un mouvement social est une « action conflictuelle collective par laquelle un agent de classe s’oppose à un agent de la classe opposée pour le contrôle social de (...) leur collectivité », Pierre Ansart, Les sociologies contemporaines, Paris, Point Seuil, 1990, p. 61.
[26] - Daniel Hermant, Le terrorisme en Europe à l’horizon 92, Paris, FNSP/CERI, rapport pour l’IHESI, juin 1992, p. 5.
[27] - Didier Bigo, Polices en réseaux, Paris, Presses de Science Po, 1996, p. 266-280.
[28] - Idem, p. 269.
[29] - Ce regard est relativement surprenant pour un chercheur auparavant soucieux d’offrir à l’analyse du terrorisme les moyens de ses prétentions : la constitution d’une importante base de données (disponible à l’ex-Institut Français de Polémologie) sur les différentes actions terroristes relevées en Europe depuis le début des années quatre-vingt, atteste une réelle préoccupation empirique qui fait souvent défaut dans les études classiques sur ce phénomène.
[30] - Didier Bigo, op. cit, p. 266.
[31] - Isabelle Sommier, dans un essai récent, prolonge l’approche déconstructiviste de Didier Bigo et refuse, elle aussi, l’usage savant du terme « terrorisme ». Elle n’en conserve pas moins, à travers une gymnastique intellectuelle qui prête à discussion, l’essence terrorisante de l’acte terroriste auquel elle substitue la notion de « violence totalisante », Le Terrorisme, Paris, Flamarion, (à paraître en mars 2000).
[32] - Maints sondages montrent que la menace terroriste est considérée, en Occident, comme une des principales peurs des citoyens. Paradoxalement, ce phénomène est surtout marqué dans les pays peu touchés par le terrorisme. Ainsi, si un sondage de presse montre que 63 % des Espagnols déclarent considérer le terrorisme comme le second problème du pays (après le chômage), ils semblent faire preuve dans leurs choix politiques (refus des options radicales de l’extrême droite ou de l’armée) comme dans leurs pratiques sociales, d’un certain « fatalisme », Cambio 16, 22 avril 1996. A l’inverse, les préparatifs des jeux olympiques d’Atlanta en juillet 1996, ont traduit la crainte d’une majorité d’américains persuadée de l’imminence d’un acte terroriste à cette occasion, quand bien même les Etats-Unis ont toujours été relativement épargnés par la menace terroriste, Le Monde, 10 juillet 1996.
[33] - Cela évite également de s’interroger sur les éventuelles responsabilités politiques ou collectives dans l’émergence de la violence terroriste.
[34] - Pour une synthèse de ce type de modèle, voir Serge Moscovici, L’âge des foules, Paris, éd. Complexe, 1981, p. 158 et s.
[35] - Jean Servier, Le terrorisme, op. cit, p. 105.
[36] - Madeleine Grawitz, « Psychologie et politique », Traité de science politique, tome 3, Grawitz et Leca (Dir.), Paris, Presses Universitaires de France, 1985, p. 1.
[37] - Theodore Adorno et al, The Authoritarian Personality, New-York, Harper, 1950. On trouvera une bonne synthèse de cet ouvrage et de son influence sur la psychobiographie in Grawitz, op. cit, p. 24 et s.
[38] - Philippe Braud, L’émotion en politique, Paris, Presses de Sciences Po, 1997, p. 57.
[39] - Friedrich Hacker, Terreur et terrorisme, Paris, Flamarion, 1976, p. 280.
[40] - Même si les récentes prises d’otage ou actes terroristes isolés, à l’image de l’affaire de l’école de Neuilly en 1995 ou de Unabomber aux Etats-Unis en 1996, ont montré à quel point les individus concernés agissaient sous l’emprise d’un désespoir lié à leur situation économique et sociale déclinante ou obéissant à des convictions écologiques et anti-industrielles radicales. Le lien de causalité directe entre situation psychopathologique déviante et violence terroriste est, à lui seul, fort ténu.
[41] - David Claridge, « State terrorism ? Applying a definitional Model », Terrorism and Political Violence, vol.8, n°3, automne 1996, p. 52.
[42] - Cité par Friedrich Hacker, Terreur et terrorisme, Paris, Flamarion, 1976, p. 292-293. Plus nuancé, Paul Wilkinson parle des terroristes comme étant « indifférents aux codes moraux existant et proclamant leur détachement à leurs égards » in Adam Roberts, « Ethics, Terrorism and Counter-Terrorism », Terrorism and Political Violence, n°1, 1988, p. 55.
[43] - James M. Poland, Understanding Terrorism, Groups, Stratégies and Responses, Sacramento, Prentice Hall, 1988, p. 15.
[44] - Xavier Raufer, Terrorisme, violence, Paris, Carrere, 1984, p. 29.
[45] - Pensons à la récente « affaire Bonnet » en Corse où l’approche en terme de responsabilité politique (voir sur ce point les analyses d’Olivier Beaud) ne peut se passer d’un regard plus psychologisant abordant l’état d’esprit d’un haut fonctionnaire confronté à une situation d’exception encouragée par sa hiérarchie.
[46] - Telle que définie par Philippe Braud dans le Dictionnaire de la science politique, Paris, Armand Colin, 1994, p. 228-229.
[47] - Ted Robert Gurr, Why Men Rebel, Princeton, Princeton University Press, 1972.
[48] - Michel Wieviorka, Sociétés et terrorisme, op. cit, p. 487.
[49] - Madeleine Grawitz, « Psychologie et politique », op. cit, p. 92 et 106.
[50] - Michel Wieviorka, Face au Terrorisme, Paris, Liana Levi, 1995, p. 21. On s’appuiera également sur la notion de « groupthink » (pensée de groupe) proposée par Irwing L. Janis, Victims of Groupthink. A Psychological Study of Foreign Policy Decisions and Fiascoes, Boston, Houghton Mifflin Company, 1972, p. 9 et s.
[51] - Antoine Liniers, « Objections contre une prise d’armes » in François Furet, Antoine Liniers et Philippe Raynaud, Terrorisme et démocratie, Paris, Fayard, 1985, p. 204 et s.
[52] - Philippe Braud, Le jardin des délices démocratiques, Paris, FNSP, 1991, p. 24.
[53] - Pierre Mannoni, Un laboratoire de la peur. Terrorisme et média, Marseille, Hommes et perspectives, 1992.
[54] - David Apter, Pour l’Etat, contre l’Etat (trad.), Paris, Economica, 1988, p. 24.
[55] - David Apter, « Marginalisation et primordialisme », Etudes Polémologiques, n° 37, 1986, p. 188.
[56] - David Apter, « Democracy and Emancipatory Movements : Notes for a Theory of Inversionary Discourse », Development and Change, n° 23, juillet 1992, p. 142. C’est une idée avancée par Isabelle Sommier pour qui le radicalisme religieux peut éclore sur un « besoin de transcendance » que les sociétés modernes ne parviennent pas à satisfaire, Le Terrorisme, op. cit.
[57] - David Apter, Pour l’Etat..., op. cit, p. 26. Dit autrement, « le terrorisme, au sens large, ne vise pas seulement le renversement de l’Etat, mais aussi celui de la place qu’il occupe en tant que centre rationnel de la vie moderne », p. 242.
[58] - Idem, p. 231. C’est nous qui soulignons.
[59] - C’est en particulier le cas d’Yves Michaud, Violence et politique, Paris, Gallimard, 1978 et de Michel Wieviorka, Sociétés et Terrorisme, op cit pour qui « l’approche instrumentale de la violence (...) sous-estime la logique autonome du phénomène », p. 478. L’opposition que fait Wieviorka entre une violence terroriste qui ne serait que rupture et l’approche instrumentale ne nous paraît guère convaincante. Si la violence politique terroriste est effectivement rupture avec l’ordre établi et les règles fondant le lien social, rien ne permet d’avancer que cette rupture ne puisse être le résultat d’un calcul rationnellement posé par les acteurs clandestins. Rien ne permet également de penser que la rupture avec la légalité provoquée par les groupes violents soit le résultat d’une volonté de rupture révolutionnaire substituant à l’Etat et au pouvoir démocratique une autre forme de régulation politique.
[60] - Sur la « rationalité » de la violence terroriste des GIA, voir l’ouvrage lumineux de Luis Martinez, La guerre civile en Algérie, Paris, Karthala, 1998.
[61] - Xavier Crettiez, La question corse, Bruxelles, Complexe, 1999.
[62] - Michel Wieviorka, Sociétés et terrorisme, op. cit, p. 479.
[63] - On reconnaîtra dans l’analyse proposée, l’influence des thèses de Didier Bigo et Daniel Hermant présentées dans trois articles essentiels pour toute étude sur le phénomène terroriste : « La relation terroriste I et II », op. cit et « La relation terroriste : cadre sociologique pour une approche comparatiste », Etudes polémologiques, n° 3, 1988, p. 13 - 79.
[64] - Norbert Elias, Qu’est-ce que la sociologie ?, Paris, ed. de l’Aube, 1991, p. 87 et 216.
[65] - Emile Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, 1987 (1895), p. 35.
[66] - Sur ce point voir Bertrand Badie, « Terrorisme et Etat », Etudes polémologiques, n°1, 1989. Sur un cas concret, Barbara Loyer et Xavier Crettiez, « Les GAL » in Crettiez et Ferret (dir), Le silence des armes ?, Paris, La Documentation Française, 1999.
[67] - René Girard, La violence et le sacré, Paris, Grasset, 1972.
[68] - Isabelle Sommier, Le terrorisme, paris, Flamarion, (à paraître en mars 2000).